Depuis une quinzaine de jours, certains villages alsaciens arborent une pancarte "Touche pas à mon Alsace" dans un évident jeu de mots qui renvoie au célèbre slogan de SOS Racisme. Au lieu d'une main telle qu'elle apparaît dans les autocollants de l'association anti-raciste, c'est la patte d'une cigogne qui dit "stop". Les panneaux d'entrée des villages concernés portent une bande noire de deuil. Cette mobilisation dit "non" au regroupement de la région Alsace avec la Lorraine et la Champagne-Ardennes proposé par le gouvernement Valls.

Même si la campagne est menée avec un humour certain (la cigogne sur la pancarte), on ne plaisante pas avec la question identitaire dans la région.

L'année dernière, les alsaciens ont refusé, lors d’une consultation par référendum, la fusion du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, les deux départements qui composent l'Alsace, en utilisant l'argument de la préservation des identités départementales.

Cet attachement à leur territoire, à leurs traditions, à leur langue peut faire sourire. On parle de repli sur soi, d'enfermement, de chauvinisme. Mais il me fait beaucoup réfléchir. Pendant mes études d'ethnologie, mes collègues étaient fiers de partir vers des destinations exotiques et lointaines pour défendre les petits groupes ethniques au nom du droit à l'autodétermination des peuples. Les bororós, les yanomamis, les kayapos étaient alors à la mode, c'était branché et politiquement correct de protéger leurs territoires, leurs traditions et leurs langues afin de préserver leurs spécificités culturelles.

Personnellement je suis pour la diminution du nombre de régions, pour une réforme administrative qui réduirait les coûts de fonctionnement de l'État français. Je me demande, cependant, dans quelle mesure la défense des identités culturelles exotiques vaut d'être branchée alors que l'idée de préservation des particularités régionales dans notre pays est totalement ringardisée.

Je cherche, mais je n'ai pas encore trouvé de réponse. Il est clair et évident que les enjeux ne sont pas les mêmes, encore moins les rapports de force. L’Alsace a cependant un passé historique très lourd, l'un des plus complexes de tout le pays, comme nous le savons tous, ce qui rend son combat tout aussi légitime. Et puis, contrairement à ce que puissent penser les français de l'intérieur (lire les non alsaciens), les alsaciens ne sont pas du tout fermés sur eux-mêmes comme l'on dit, ils sont plutôt ouverts vers l'autre côté du continent européen, dans un échange intense et permanent avec leurs voisins germanophones.

BN