C'était un jour d'hiver de l'année 2002. Comme à son habitude l'ami Chris pointa sa silhouette à la Gary Cooper au pied de mon bar. Élégant, fêlin même, il avait ce petit plus qui caractérise si bien le flegme british à l'ancienne. Il trempa ses lévres dans le vin rouge et m'invita à suivre attentivement ce qu'il avait à me dire. Chris avait élu domicile en Algarve quelques 5 années avant moi, soucieux de passer une retraite au soleil. Il entreprit donc de me compter son Histoire en me dressant d'abord le portrait d'une de ses vieilles connaissances: John, un milliardaire de son île pris de passion pour un bateau, mais pas n'importe quel rafiot !

USS Willow, un rescapé de plus de cent ans de bons et loyaux services...

En 1924 le service des phares et balises américain ordonne la construction d'un bateau à aubes. Ce dernier est construit dans un chantier proche de Saint Louis, sur les rives du fleuve Mississipi. La bête mesure 66 mètres de long pour une vingtaine de large et un tirant d'eau de 3 mètres. Le Willow est missionné pour assurer la protection des batiments navigant dans le quinzième disctrict de Memphis, entre la Nouvelle Orléans et Saint Louis. Le 15 décembre 1944 le Willow entre en collision avec le USS LST-841 et les deux navires sont sérieusement endommagés. Le premier mars 1945 le USS Willow est désarmé. Bien des décennies plus tard, un "fou" multi-millionnaire nommé John, propriétaire d'une des plus grandes franchises de restaurants au Royaume Uni, fait l'acquisition du Willow.

Le steam boat est rapatrié en Europe sur un bateau semi submersible spécialement affrêté, et entre en chantier en Hollande afin d'être totalement restauré et mis aux normes. Sa machinerie est retiré du bord et il est remorqué jusque sur la côte méditerranéenne espagnole afin d'être exploité en tant que restaurant, casino et discothéque.

En route vers l'aventure !

Un matin de très bonne heure, Chris et moi prenons la route, direction le Sud de la France: John, par l'intermédiaire de mon ami Chris, me mandate pour prendre en main le destin de l'USS Willow, Il parait que j'ai le profil pour traiter du bébé. En vérité je ne connais de cette embarcation magnifique qu'un reportage détaillé visionné sur une cassette vidéo, et j'ai des plans.

Par contre je suis déjà fou de la beauté géante ! Le but de ce voyage est de reconnaitre les lieux pour y acheminer le Willow. Rien que ça ! John voudrait que ce dernier revive sous d'autres cieux. J'ai jeté mon dévolu sur le vieux port de Sète. Pour le moment le USS Willow se morfond dans la marina de Benalmadéna.

Sous les yeux écarquillés des autorités maritimes...

C'est un mistral d'enfer qui nous accueille à Sète, magnifique ville portuaire et parfait écrin pour le Willow. Je suis porté par la passion subite et dévorante que j'éprouve à l'égard du steam boat et cette passion devient très vite communicative. A tel point que nous ouvrons un protocole d'accord avec la mairie, les affaires maritimes, l'école hotelière et tout le tralala !

Il est même prévu la présence de l'équipe de Thalassa pour accueillir le navire au coeur de la ville. Les mesures sont soigneusement prises et le navire peut entrer dans le port à condition de procéder avec une extrême prudence, car il n'y a une marge d'erreur que de quelques petits centimètres. Les deux cheminées monumentales devront être démontées.

L'América Cup comme un coup de pied dans le derrière... Aujourd'hui encore l'USS Willow coule des jours interminables dans le fond de la marina de Bénalmadéna. La région et la ville de Sète ont préféré tout miser sur l'accueil de l'America Cup plutôt que sur celui du Willow. Finalement ils n'auront ni l'un ni l'autre. Chris ne connaîtra jamais la fin de l'histoire du Willow. J'ai appris, il y a quelques jours, son décès. So long Chris. On reparlera du Willow et de notre folle aventure dans un autre port.