"J'avais des attentes, des espoirs, mais je ne savais pas que [le film] serait aussi bon". Ainsi s'est exprimé Stephen King, dans une interview d'août 2017, à propos de la nouvelle adaptation de son roman d'horreur Ça (It), scénarisé par Cary Fukunaga, réalisé par Andrés Muschietti, et dans les salles depuis le 20 septembre en France.

Aujourd'hui, les appréciations du célèbre auteur ont largement été corroborés par les récents chiffres d'un box-office littéralement explosé, atteignant un record historique, véritablement, de 480 millions de dollars de recettes mondiales, mettant l'œuvre de Muschietti en tête des films d'horreurs les plus rentables de l'histoire, devant L'Exorciste (William Friedkin) et Conjuring (James Wan).

En bref, l'histoire du macabre Pennywise, entité clownesque sanguinaire dévorant vos enfants, aura connu une nouvelle et seconde adaptation qui, en étant bienvenue, ne sera pas passée inaperçue.

Cependant, il ne s'agit pas ici de relater une information déjà bien connu, mais de s'interroger sur la raison d'un tel succès. Ainsi, et au regard d'articles déjà parus à ce sujet, il s'avérerait que ce succès provient du fait que "Ça", malgré ses apparences et ses bandes annonces terrifiantes, est un film d'horreur qui n'en est pas un.

'Ça' n'est pas un film d'horreur, mais une chronique horrifique

J'emprunte le terme de "chronique horrifique" au youtubeur Le Fossoyeur de Films, qui a récemment publié une critique dans laquelle il souligne que l'attribut d'horreur accolé à l'œuvre de Muschietti est inapproprié, du fait que l'aspect narratif et réaliste du film prévaut sur le sentiment d'horreur que procure à l'origine l'histoire du roman.

Après la sortie du film, une vague de twitts s'est répandue sur la toile, affirmant que "Ça" n'était pas un film d'horreur, d'autres ajoutant qu'il s'agissait plutôt d'un thriller psychologique. Un article du site 1428elm intitulé "Des utilisateurs de Twitter clament que 'Ça' n'est pas un film d'horreur", dément cette affirmation, partant du postulat que le film traitant de l'horreur (est c'est le cas), il en résulte qu'il appartient à ce genre.

C'est vrai, tout à fait vrai. Mais seulement en partie.

"Ça" est bien un film d'horreur. Mais seulement en ce que son univers s'articule autour d'un contexte horrifique, à savoir l'existence et la menace d'une entité inhumaine effrayant les enfants pour les dévorer ensuite (dans le livre, Ça explique lui-même que la peur de ses victimes en rend le goût exquis).

Par ailleurs, "Ça" n'est pas non plus un thriller, les scènes de tensions étant peu présentes, du fait non seulement que le réalisateur déconstruit peu à peu tout au long du film la peur entourant Pennywise : Ça ne se cache pas, sinon aux premières minutes du film, et se montre même face à la caméra sous la pleine lumière du jour- l'essence de la peur au Cinéma est de ne pas ou peu montrer la menace, de l'entourer d'obscure et de flou ; voyez "Alien"...

L'heureuse apparition de Ça, ou le moyen de vaincre ses peurs

Dans cette nouvelle adaptation, si l'on peut dire, la forme serait l'horreur, et le fond, une chronique adolescente dramatique (merci encore Fossoyeur pour avoir pensé à ces termes).

Pour exemple, prenez le film Chronicles (littéralement: Chronique). Est-ce un film qui parlent de pouvoirs télékinésiques, ou bien de la lutte d'un jeune lycéen isolé, martyrisé par son père, dont la mère est mourante et qui, du jour au lendemain, possède le moyen de rendre justice au monde d'avoir profité de sa faiblesse ?

L'œuvre de Muschietti s'insère dans une logique identique : l'histoire d'adolescents que déchirent quotidiennement les affronts d'une dure réalité, et qui, par l'arrivé d'un fait surnaturel, chemine jusqu'au dépassement de leurs peurs et faiblesses, affrontant finalement le monde et ses cruautés. Dans cette logique, l'entité de Ça n'apparaît plus que comme un outil dont le film se sert pour montrer au spectateur l'évolution de ses protagonistes, c'est-à-dire, dans cette histoire, la manière qu'ils ont de dépasser leurs peurs, d'affronter une amère réalité : affronter Ça revient pour les jeunes protagonistes à combattre leur douloureux quotidien (cf.

le personnage de Beverly).

En conclusion, un film à sursaut, certes, mais émouvant avant d'être choquant

En dépit du caractère spectaculaire et souvent choquant dont le clown monstrueux s'habille, et malgré quelques jumpscares originaux, on comprend aisément pourquoi, dès les premières apparitions de Ça, dès lors que le spectateur a cerné grâce à lui quelles étaient les peurs des personnages, les apparitions suivantes perdent de plus en plus leur tension (et qu'est-ce qu'un film d'horreur sinon le jeu des tensions), sont de plus en plus prévisibles et, parfois mêmes, amusantes.