Après l’analyse politique en cours à l’Assemblée nationale et les ordonnances attendues au mois de septembre concernant les réformes sur le marché du travail, il est intéressant de revenir sur la conception macronienne du marché du travail qui se dessine en creux. Après les généralités de la campagne présidentielle et les premiers contacts avec les syndicats au cours de débats/négociations conduits par Madame Pénicaud, Ministre du travail dont on loue les qualités dans le domaine de la gestion des problèmes liés au travail, il est nécessaire de revenir sur l’analyse économique qui structure la pensée du Président Macron.

Quelques résultats qui sont à la base de la pensée économique de Macron sur le marché du travail

Le concept de flexisécurité, emprunté aux modèles allemand, danois et suédois, est un concept qui individualise le marché du travail. Chaque salarié a un rapport individuel avec le marché du travail. La conception collective de la gestion du marché disparaît. On voit apparaître le CDD (contrat à durée déterminée) qui progressivement va être la colonne vertébrale du mode d’embauche par les entreprises. Les négociations collectives disparaissent au profit des branches au sein desquelles l’employeur, malgré les pseudos référendums, a plus de poids que l’employé. Vous aurez noté que les chômeurs ne sont pas concernés par la réforme du marché du travail car, de façon implicite, on suppose que ces réformes vont se traduire par du plein emploi.

Macron valorise l’hypothèse d’une conception du marché du travail segmenté en deux parties et largement analysé par Doeringer et Piore (Internal Labour Markets and Manpower Analysis, Lexington, Heath, 1971). Ces deux auteurs élaborent la théorie des insiders (titulaires) et outsiders (chômeurs) et le travail est considéré comme une activité qui peut être valorisé à travers l’arbitrage entre faire un effort pour consommer et donc travailler, ou accepter volontairement le loisir et d’emblée adopter la position de chômeur.

C’est une approche libérale qui ne dit pas son nom et que le Président Macron ne met pas en évidence.

Retour de Macron à la théorie néoclassique du marché du travail.

Macron considère que tout individu est libre de travailler ou de ne pas travailler car il s’appuie sur l’analyse néoclassique qui, en information parfaite, montre que les individus arbitrent entre plusieurs effets: un effet de revenu, un effet de substitution.

Cet arbitrage se fait grâce au taux de salaire réel. Les conclusions de l’analyse néoclassique sont claires : toute offre de travail de la part du salarié trouve en contrepoint une demande de travail de l’entreprise, or la réalité est différente. Nous sommes, dans la ''vie réelle'', en situation imparfaite et un individu qui veut du travail n’en trouve pas forcément à cause de l’absence de formation, de la méconnaissance des heures proposées par l’entreprise et de la nature des contrats que l’entreprise propose.

Les syndicats représentent une institution qui ne permet plus de négocier le taux de salaire réel. L’entreprise est donc au cœur de la production du marché des biens et des services et, par conséquent, de l’économie.

Pour produire autour du capital installé, il faut des hommes et des femmes capables d’assurer le niveau de productivité requis par le marché. Pour cela, chaque entreprise possède une structure interne qui lui est propre. On a ici le début de la justification des contrats de chantier avec les contrats à durée déterminée qui leur sont liés. Les conventions collectives ne doivent plus jouer leur rôle, l’individualisation de l’activité devient la règle, le CDI change de nature dans son contenu à long terme.

Le concept de flexisécurité du Président Macron valorise l’entreprise en lui permettant de flexibiliser le contrat de travail. Voici pour la flexibilité. La sécurité est du côté de l’individu qui est porteur des droits spécifiques obtenus par les différents contrats à durée déterminée qui, à long terme, structurent une nouvelle forme de CDI.

Le versant économique du marché du travail n’est malheureusement pas analysé par les éditorialistes, c’est dommage car la flexisécurité infuse plusieurs idées : contrats précaires, salaires inférieurs au taux de salaire du marché, prise de risque des salariés, multiplication de petits boulots par les salariés avec des salaires équivalents à ceux du salaire minimum (il n’y a pas de salaire minimum en Allemagne, par exemple) valorisation de la place de l’entrepreneur. La durée du travail n’a plus d’existence. La flexisécurité laisse de côté les problèmes d’apprentissage de la force de travail (Education nationale ou entreprises ?), de formation, de robotique et d’innovation.