Une bande de terre coincée entre un voisin qui fut souvent agressif et un océan pas toujours accueillant, telle est vite résumée la position géographique du Portugal. A cela près que ce pays de la taille d'une province espagnole jouit d'un climat propice à oublier doudoune et gants de laine, surtout au sud de Lisbonne. Ajoutez à cela un niveau de vie très bas, un salaire minimum national qui n'attire aucune main d'oeuvre extérieure, un gouvernement qui fait des appels du pied en direction des retraités français et vous obtenez ce qui pourrait s'apparenter à un petit paradis.
Il y a peu, cette fière nation de tout juste dix millions d'habitants s'attribuait même les qualificatifs les plus osés, dont celui de "Californie de l'Europe"... rien que ça ! Pourtant à y regarder de plus près, rien à voir avec les boulevards de Hollywood et les plages de Santa Monica, bien que les longues bandes de sable blond de l'Algarve n'ont rien à envier à beaucoup d'autres plages dans le monde.
Il y a quelques jours, j'évoquais avec un de ces retraités français déserteurs du fisc gaulois, la douceur de vivre en Algarve : pratiquement pas d'hiver, si ce n'est un petit coup de froid la nuit en Décembre et Janvier, un niveau des prix à la consommation imbattable si l'on compare avec une zone touristique équivalente et un concentré de services dévolus à la cause des touristes et nouveaux résidents...
Là, me direz-vous, nous avons le cocktail idéal pour faire de ce pays encore délaissé il y a peu, la destination phare de la zone Euro.
Des expatriés aguerris ?
Il faut toutefois prendre en considération des paramètres que la mauvaise volonté de beaucoup de nouveaux arrivants tentent d'escamoter sous le tapis. Pris dans l'engrenage d'une décision souvent peu réfléchie de s'expatrier, avant même que la maison familiale soit vendue, sans rien connaitre des habitudes et des us et coutumes portugais, ils débarquent un beau jour cherchant dans l'urgence de quoi se loger.
Leur grande habitude des voyages au long cours s'exprime en général par leur première commande passée au bar du coin : "un Perrier s'il vous plait !" Lá, on découvre à quel point ces aventuriers sont parés pour affronter les obstacles de leur nouvelle vie et à quel niveau se situe leur capacité d'adaptation !
Il y a une vingtaine d'années, lorsque l'on entendait un français, on se retournait et on essayait à tout prix d'entamer une conversation.
Cela faisait un bien fou de croiser un compatriote dans un nuage de fumée généré par les sardines grillées. Aujourd'hui on a presque envie de faire la sourde-oreille... Palavas les Flots en Algarve ???? Cela est-il vraiment possible ? Les prix de l'immobilier flambent. Les serveurs se mettent à parler quelques mots de français. Les menus sont poliment traduits dans la langue de Molière. La France coloniale reprend du service!
Mais tout cela ne nous effraie pas vraiment. On sait bien que l'organisme d'un retraité de plus de soixante-cinq ans ne supportera pas les chaleurs de l'été, et que l'unique solution sera la fuite. Quant à la langue portugaise, il suffit de reconnaître le niveau extrêmement préoccupant des français en langues étrangères, tous âges confondus, pour se rendre compte que le pari n'est pas gagné.
Lire le portugais est à la portée de tout latin, mais de là à prononcer correctement cette langue particulière, une seule retraite n'y suffira pas.
Et le Portugal ?
Le Portugal a encore de beaux jours à vivre, à condition que des freins soient mis à cette vague croissante d'expatriés fiscaux. S'installer dans un pays simplement parce que les règles fiscales y sont plus avantageuses, engendre un vrai malaise. Ne devrait-on pas faire le choix de vivre d'abord là où l'on se sent bien ? Avoir trimé toute une vie pour venir "planquer" son magot dans un pays que le coeur n'a pas choisi, n'est-ce pas la parfaite expression d'un échec ? Mais c'est bien connu: "la misère est bien plus douce au soleil".