Dès 2020, abaissé de 20 à 17%, le taux d’imposition des entreprises sera l’un des plus bas de toute l’Europe occidentale et centrale. C’est acté. Mais si l’Union Européenne ne cède pas sur l’union douanière, entérine de fait les accords commerciaux britanniques avec les pays du monde entier, Theresa May augmentera encore les avantages fiscaux au Royaume-Uni. Sur les douze points qu’elle a présenté ce mardi, environ la moitié sont vagues et pleins de gages oraux de bonne volonté, l’autre moitié valant nette rupture avec l’UE (retrait de la Cour de justice européenne, restriction à l’arrivée de nouveaux ressortissants de l’Union outre-Manche, multiplication des accords bilatéraux en toute indépendance).

Fin mars, l’application de l’article 50 sera demandée et c’est alors, et alors seulement, que, avec pour délai deux ans de négociations, les tractations pourront s’entamer. C’est ce que vient de rappeler fermement Frank-Walter Steinmeier, ministre allemand des Affaires étrangères. Theresa May a ‘’enfin apporté un peu plus de clarté’’ quant aux exigences britanniques, a-t-il sobrement, ou plutôt laconiquement, répliqué. Demain, mercredi, l’Allemagne éclaircira sa position, mais il est hors de question de négocier avant fin mars. Donald Tusk, le président polonais de l’UE, et Michel Barnier, ont réaffirmé cette position commune aux 27.

Rupture à la carte

Pour la Belge Kathleen Van Brempt, la situation se résume ainsi : ‘’L’Union européenne n’est pas un menu dans lequel le Royaume-Uni peut piocher à sa guise.’’.

C’est pourtant bien l’impression que laisse le discours de la Première ministre britannique. Le ministre polonais des Affaires européennes veut se contenter des assurances données quant au maintien du statut des travailleurs européens outre-Manche. Mais il s’oppose à ce qu’un tri soit fait entre les futurs candidats à une installation au Royaume-Uni selon leur profil personnel ou professionnel.

Michel Sapin s’est contenté d’exprimer que personne n’était vraiment prêt à envisager le Brexit (sous-entendu, les futurs négociateurs britanniques inclus). ‘’On est dans une situation d’improvisation (…) La France souhaite que les choses soient précisées’’ et que le Royaume-Uni se place ‘’dans la réalité et pas seulement dans les postures’’.

Theresa May veut préserver la place de son pays dans l’union douanière (qui s’étend aussi à la Turquie), importer à sa guise (en fonction d’accords commerciaux bilatéraux avec les Amériques, l’Asie, l’Afrique…), et réexporter sans subir des droits de douane. On voit mal la République d’Irlande y consentir. Or, autant que les réactions continentales, celles de l’Écosse et de l’Irlande du Nord (en pleine crise politique jusqu’aux élections anticipées du 2 mars prochain), seront cruciales. L’Écossaise Nicola Sturgeon revendique que son pays puisse opter pour ‘’un devenir différent’’ ; mais elle n’a pas brandi la menace immédiate d’un second référendum sur l’indépendance, sans pour autant l’exclure.

Le discours de Theresa May n’a pas répondu à la demande de prise en compte des intérêts écossais, a-t-elle conclu pour la BBC. Les autres réactions attendues sont celles des places financières. Selon Lorenzo Bini Smaghi (SocGen), ‘’l’un des compétiteurs [bénéficiaire éventuel d’une désagrégation de la City], c’est New-York’’. Theresa May suggère des négociations sectorielles (secteur par secteur, industriel, financier, services…). C’est un pari. Voire du bluff, mettant en avant tant la puissance nucléaire britannique et le siège au Conseil de sécurité de l’Onu que la menace de transformer le pays en paradis fiscal. Elle brandit la menace d’une guerre commerciale. Mais les 27 n’exportent vers Londres qu’à hauteur de 3% de leur PIB, contre 13% en sens inverse. C’est un marché de 500 millions de consommateurs contre 65, a relevé Alain Lamassoure. Et avec la Chine, la disparité est encore plus grande, souligne-t-il…