Le Président Sassou est l’objet de la risée de la plupart de ses compatriotes, surtout ceux qui se trouvent dans l’opposition, alors que ceux qui appartiennent à la majorité présidentielle rient sous cape et n’osent rien dire. Dans un papier publié par le site bibliobs.nouvelobs.com Alain Mabanckou (écrivain congolais, Prix Renaudot 2006 et actuel occupant de la chaire annuelle de création artistique au Collège de France) dit que Trump a roulé Sassou dans la farine de manioc. Le voyage de Sassou aux Etats Unis a fait naître des passions et on a vu dans ce voyage un espace d’aubaine diplomatique qui aurait permis à Sassou de ne pas dire les problèmes économiques et politiques dans son pays.

Pour l’opposition, le Président a été mal élu alors que les résultats officiels disent le contraire. Dans le Pool le gouvernement mène une action contre les terroristes, pour l’opposition c’est une action délibérée en direction des populations du Pool.

Essayons de façon froide et, au-delà des oppositions stratégiques, de regarder ce rendez-vous manqué et de ne pas accabler le Président Sassou. Dans tout pays il y a des institutions politiques et étatiques qui organisent les visites privées et publiques du chef de l’Etat à l’étranger. Les responsabilités doivent établies de façon précise pour dire les raisons de cet échec et quels ont été les manquements. Sassou fait confiance en une équipe de diplomates, de négociateurs et de communicants.

Or, force est de constater que c’est le Président seul qui reçoit la charge de l’opprobre nationale et internationale alors que les impétrants en charge de la visite présidentielle aux Etats Unis ne subissent rien.

La théorie du réseau et des trajectoires permet d’expliquer les raisons de cet échec dont le Président ici est la victime directe.

La présidence est un élément du réseau, les ministères, et surtout celui des Affaires étrangères, constituent les trajectoires. On a pu suggérer au Président qu’une visite avec Trump est une bonne chose. Quel Président peut refuser une opportunité de cette nature ? Il a fait confiance à ses équipes, des équipes qui ont surement dû lui raconter le pragmatisme de Trump et sa capacité de le recevoir avant le 20 janvier 2017.

Les ministères et les Affaires étrangères auraient dû vérifier de façon très précise la capacité plausible de cette rencontre et, en termes de communication, le dire uniquement au moment où toutes les cartes auraient été vérifiées. On aurait pu présenter le voyage du Président comme un voyage d’agrément personnel privé, voyage privé qui aurait pu se transformer en une visite de courtoisie auprès de Trump. La diplomatie par définition, c’est le silence et le bas bruit. Le bruit devient haut lorsque les faits sont avérés. Une visite avortée, ce n’est pas la fin du monde, même si en termes d’image cela peut satisfaire certains. Partout dans le monde il y a des rencontres avortées ou retardées entre chefs d’Etat, le tombereau d’insultes ou d’injures que Sassou reçoit sur les réseaux sociaux est inutile.

On peut être opposé à la politique de Sassou et ne pas être d’accord avec sa gouvernance, mais il ne faut pas descendre au niveau de l’injure. Nous sommes un certain nombre à avoir une approche non émotionnelle quand nous analysons l’Afrique et la gouvernance de certains de ses dirigeants. Cette approche n’est pas courante car elle s’applique à mettre de côté nos désirs émotionnels et politiques en décrivant les acteurs, leurs outils et les instruments de communication ou de gouvernance qu’ils utilisent. On ne peut pas réduire toute l’histoire politique du Congo à cette rencontre qui ne s’est pas faite. Le Congo est dans une situation d’interrogations, de crise économique et financière. Il faut sortir par le haut en apportant des analyses qui ne doivent pas être forcément accusatoires ou injurieuses à l’égard du Président de la République car il n’est pas le seul acteur de ce kaléidoscope de 4 millions d’habitants appelé Congo.