La rupture des relations diplomatiques de l’Arabie Saoudite avec le Qatar peut être considérée comme un non-événement car celui-ci est le résultat de la visite de Trump. Le Qatar est accusé de financer le Terrorisme international et de vouloir entretenir des relations très fortes avec l’Iran, pays avec lequel il partage des gisements gaziers. Le Qatar, petit émirat de 300 000 âmes et de 2 millions d’étrangers regorge de pétrole mais surtout de gaz. D’obédience sunnite et wahabite comme l’Arabie Saoudite, le Qatar est membre du conseil de coopération du Golfe depuis 1981.

Quelles sont les raisons de la colère de l’Arabie Saoudite et pourquoi ce petit Etat importune-t-il le Bahreïn, le Yémen et l’Egypte ?

Le Qatar a toujours été un Etat plus émancipé que Ryad et Le Caire. La création de la chaîne TV Al Jazeera n’a jamais été bien accueillie à Ryad . Le Qatar n’a jamais voulu prendre position dans la guerre d’influence que se livrent Téhéran et Ryad. L’opposition traditionnelle entre les chiites iraniens et les sunnites saoudiens n’a jamais fait l’objet d’une prise de position de la part du Qatar qui se contente de garder en équilibre Ryad et Téhéran. Cette position n’a pas l’air de plaire à l’Arabie Saoudite et la visite de Trump a accéléré les accusations d’Etat terroriste visant le Qatar.

Trump à la manœuvre pour l’isolement du Qatar

De nombreuses études montrent que l’Etat islamique tire ses origines des financements multiples et complexes venant de la plupart des pays du Moyen-Orient. En accusant l’Emir du Qatar, Cheikh Tamim de financer les terroristes au prétexte que celui-ci est complaisant avec l’Arabie Saoudite, Trump réussit à faire du Qatar la victime expiatoire au Moyen-Orient pour assouvir sa haine contre les chiites iraniens.

L’accord nucléaire conclu entre les Européens, les Etats Unis et l’Iran n’a pas l’air de plaire à Trump car il estime que Obama a été trop complaisant avec le régime des mollahs qui sont responsables du terrorisme au Liban, en Syrie et en Irak. L’analyse de Trump est un peu courte et facile car les mouvement djihadistes d’inspiration sunnite n’ont pas été financés que par le Qatar.

Le problème est ailleurs, il est lié à la guerre que se livre l’Arabie Saoudite et l’Iran pour le leadership régional. Ryad n’accepte pas l’attitude du Qatar, pays sunnite, qui est très complaisant avec l’Iran, pays d’obédience chiite.

Le Qatar n’est pas isolé comme on le pense au Moyen Orient

En accusant le Qatar d’être le terreau du terrorisme islamiste, l’Arabie Saoudite apparaît comme l’hôpital qui se moque de la charité et, si on va plus loin, du serpent qui se mord la queue. Qui veut noyer son chien, l’accuse de la rage. Ryad a des moyens financiers importants qui déclinent malgré tout. Elle est incapable dans la coalition militaire d’apporter une solution militaire au Yémen, dont une partie de la rébellion est aidée par Téhéran. Le Qatar, depuis fort longtemps, développe, compte-tenu de sa taille, une diplomatie fondée sur la conciliation régionale.

Le Qatar entretient de bonnes relations avec le Koweit, le Sultanat d’Oman et surtout la Turquie qui se propose de jouer les médiateurs pour résoudre le conflit. Le Qatar abrite sur son sol la plus grande base militaire américaine dans le Golfe. De la part de l’Arabie Saoudite, c’est un trait de jalousie important car elle estime être en première ligne pour discuter avec les Américains.

L’isolement du Qatar rebat les cartes au Proche-Orient, mais ne permet pas, paradoxalement, à Ryad d’émerger comme leader régional pour résoudre la question de l’Etat islamique, compte tenu des ambiguïtés quant à l’émergence de cet Etat. Le Qatar reste dans l’œil du cyclone, mais ne rompt pas. Nous sommes au cœur du Moyen-Orient complexe au sein duquel les alliances d’un jour finissent par devenir des haines recuites le lendemain. Le véritable problème pour l’Arabie Saoudite sunnite n’est pas le Qatar sunnite mais bien sa lutte pour le leadership régional vis-à-vis de l’Iran perse et chiite.