Mugabe est en Afrique l’un des derniers pères de la lutte pour l’indépendance de son pays, l’ex-Rhodésie, au même titre que d’autres hommes politiques éminents comme Lumumba au Congo, Kaunda en Zambie, Sekou Touré en Guinée, Bamda au Malawie, Samora Machel au Mozambique, Kenyatta au Kenya. Après plus de trente ans de règne, Mugabe âgé de 93 ans, avec une voix chevrotante et des gestes ralentis, ne veut pas démissionner. Il s’accroche au pouvoir mais dans le même temps c’est le sursaut d’un vieillard qui dit être le seul légitime pour sauver le Zimbabwe, alors que tout montre qu'il a échoué sur tous les plans (politique, développement économique et social).

Il est aidé dans cette tâche mystique par sa femme, Grâce Mugabe, de 40 ans sa cadette, alias Gucci car Madame Mugabe est friande de luxe et de tout ce qui brille, même si intellectuellement elle est très faible et qu’elle n’a rien à proposer sur le plan politique, économique et social pour son pays. Après les accords de Lancaster House en 1979 entre Mugabe, Margaret Thatcher, Premier Ministre de grande Bretagne et Ian Smith, Premier Ministre de Rhodésie, qui deviendra Zimbabwe, Mugabe avait acquis de la respectabilité en Afrique en éliminant un de ses partenaires dans la négociation, Kuomo. Il a gardé le pouvoir pour lui et il est devenu incontournable, dirigeant le Zimbabwe plus en idéologue qu’en monarque pragmatique.

La politique d’indigénisation des terres et des mines a été une catastrophe pour le Zimbabwe

Mugabe, en exerçant le pouvoir, a pensé qu’il fallait redonner de la souveraineté aux Zimbabwéens en leur redistribuant des terres appartenant à des fermiers blancs qui avaient consacré l’apartheid dans leur comportement. Le problème est que ces Zimbabwéens auxquels on a donné des fermes et des mines, n’étaient ni formés, ni instruits des techniques de mise en valeur de leur exploitation agricole, ni au courant de la mise en œuvre des territoires miniers dont ils étaient les propriétaires.

Cette politique d’indigénisation s’est traduite par un fiasco et une mascarade pour le développement autonome.

Au sommet du pouvoir, Mugabé a écarté le Vice-Président de la République âgé de 75 ans, un des fidèles parmi les fidèles, en la personne de Emmerson Mnangagwa. La ZANU-PF, parti de Mugabe, a crié à la traîtrise et le Vice-Premier Ministre a été obligé de quitter précipitamment le Zimbabwe.

Il y est revenu, il demande à Mugabe de partir et paradoxalement il craint pour sa sécurité et compte quitter le Zimbabwe. Nous sommes dans un cirque propre à l’Afrique et à ses contorsions pré démocratiques. Le Vice-Président Emmerson Mnangagwa était aimé de l’armée et le Général Chiwenga, le chef des forces de défense du Zimbabwe, a organisé en douceur la mise à l’écart de Mugabe qui refuse de partir. Un des motifs de l’armée était de refuser le coup d’Etat militaire mais de justifier son action par la poursuite des criminels qui entourent le Président Mugabe et parmi ceux-ci, sa femme Grâce Mugabe qui serait mauvaise conseillère. Assez paradoxalement, le Vice-Président déchu, Emmerson Mnangagwa, est l’homme fort du pouvoir mais aussi le maillon faible car il est tenu par l’armée.

Aux dernières nouvelles, Mugabe a décidé de démissionner sous la contrainte de l'armée.

L’armée jouerait-elle un rôle nouveau en Afrique et au Zimbabwe ?

Les coups d’Etat militaires ont toujours été perçus comme rétrogrades pour le creusement d’un sillon démocratique en Afrique. L’Union africaine refuse les coups d’Etat pour accéder aux affaires mais cette organisation est tellement inutile qu’elle devient inaudible. Elle se contente de verser des larmes de crocodiles qui servent souvent les potentats qui sont aux affaires en Afrique depuis de nombreuses années et qui ne veulent pas lâcher le pouvoir au nom de l’alternance. L’armée au Zimbabwe, en espérant que son action aille jusqu’au bout et que ses hauts responsables tiennent parole, construit un modèle de réorganisation démocratique en Afrique.

En évinçant Mugabe, c’est le cas, et en redonnant le pouvoir aux civils les militaires zimbabwéens sont en train de comprendre que le pouvoir militaire dépend du pouvoir politique et, en cas de défaillance de celui-ci, ils sont prêts à rétablir les conditions d’organisation du pouvoir civil. C’est un pari pour l’armée en Afrique noire. Le cas du Zimbabwe est intéressant, le Burkina-Faso nous en a donné une esquisse avec le départ de Blaise Compaore. Au Sénégal, l’armée reste sous l’obligation du politique. Décriée après les indépendances à cause de nombreux coups d’Etat, l’armée en Afrique noire est en train de devenir une institution démocratique en charge de l’ordre démocratique et politique des sociétés africaines.