Nulle envie de stresser les élèves, d'autant qu'en philosophie, il n'y a nul corrigé type. C'est la pensée du candidat qui est notée, à l'aune d'elle-même. Il n'y a aucun étalon que le déploiement d'une argumentation qui vise le vrai.

La politique est-elle l'affaire de tous ? Il y a une première difficulté dans cette question qui se situe dans l'usage du "tous". Est-ce un ensemble composé comme une somme arithmétique d'une simple addition d'individus (une simple agrégation d'intérêts particuliers dirait Rousseau dans Le Contrat Social), ou ce "tous" est-il le résultat d'une éducation (faite alors par qui ?), visant la transformation d'un "tous" désordonné et éparpillé, en un tout unifié et dynamique constituant alors une communauté et non plus un groupe, une foule.

La politique est-elle alors l'affaire du peuple ou de la foule ? Si la foule est guidée par ses passions et est source alors de dissolution du politique, la confier au peuple pose autant de difficultés, dans la mesure où se pose la question de savoir qui en sera l'éducateur.

Autre difficulté pointée aussi par "l'affaire de". Quand quelqu'un me dit 'ne te mêle pas de mes affaires', il me rappelle qu'il ne faut pas confondre privé et public. Ainsi, jusqu'à quel point faut-il aller pour ne pas confondre ces deux espaces ? La politique, quand elle devient une affaire personnelle, c'est-à-dire quand elle consiste à gérer à titre personnel les affaires de tous, prend alors très vite la figure du despotisme, le père de famille au sens étymologique, celui qui a une autorité sur ses esclaves, sa femme et ses enfants.

Ou à l'inverse, si chacun en fait une affaire personnelle, on se demande bien comment maintenir la Cité ou l'Etat.

Toutefois, ce risque du despotisme ouvre le questionnement. La politique est définie par les politiques eux-mêmes comme un savoir-faire. C'est ce que découvre Socrate lorsque, dans l'Apologie, il leur reproche en fait de ne rien savoir.

Ces techniciens du politique confisquent alors le pouvoir sous prétexte qu'ils maîtrisent mieux le langage. Par la puissance de séduction de leur art de la rhétorique, ils endorment le peuple - si facile à charmer selon Rousseau. Cette spécialisation technocrate du politique conduit Platon à défendre le savoir contre le faire.

Seul celui qui n'a aucun intérêt à gouverner doit gouverner. Le philosophe, qui connaît le bien, le beau et le juste, gouvernera contre son gré.

Cependant où est la place alors de l'urgence ? Quelle place accorder aux affaires humaines définies par leur contingence ? Les hommes n'obéissent pas dans leurs actions aux lois de la nécessité. La politique suppose esprit vif et souci de décision. Si la démocratie est espace de dialogue du peuple, la décision incombe au chef de l'Etat. La politique vise la sûreté des citoyens que la société, lieu de toutes les sortes d'échanges (commerce, langage, violence, etc), ne saurait prendre en charge. La politique se distingue de la réflexion théorique. C'est une pratique (praxis), non une théorie, encore moins une technique, précisera Aristote.

Il ne s'agit pas d'en rester à des moyens ou à une réflexion sur le vrai pour prendre des décisions politiques. La prudence, au sens de délibération, dira encore Aristote, est la qualité essentielle du politique.

La politique, c'est l'exercice de la décision. Pour cela il y a un espace commun de discussion nécessaire à construire la délibération, car nul savoir ne permet d'agir dans le temps, qui est finalement toujours urgence...La politique est l'affaire de tous, au sens où elle nous concerne. La rejeter au nom de confusions populistes - dire par exemple que la politique est une affaire de nantis, de corrompus - c'est risquer le retour à la force brute. Refuser la politique, c'est laisser s'installer le despotisme.C'est cela la République : "l'affaire publique" qui réunit tout le monde autour d'elle, pour construire un peuple.

La grève ou la lutte pour le droit

Etat autoritaire, autorité de l'école contestée