Jean-Christophe Picard, président d’Anticor (pour anticorruption), a indiqué à BuzzFeed que l’association envisageait d’ester en justice après les révélations du Canard enchaîné sur l’emploi d’assistante parlementaire de Penelope Fillon auprès de son époux à l’Assemblée nationale. Un ‘’emploi parle-menteur’’ comme certains internautes l’ont rapidement qualifié ? ‘’Nous allons attendre que les autorités compétentes se saisissent du problème et si ce n’est pas le cas, nous envisageons des poursuites’’. Le parquet financier ayant ouvert une enquête pour détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel de ces délits, enquête qui sera diligentée par l’Office central de lutte contre les infractions financières et fiscales, l’association Anticor attendra sans doute en embuscade son résultat, par exemple pour se porter partie civile ou relancer l’enquête si elle n’aboutissait pas.

En général, et en période électorale, la justice prend son temps et laisse passer les échéances sauf si elle devait être contrainte de statuer en référé.

Circulez, rien à voir…

Pour le moment, les intéressés, soit les époux Fillon, laissent entendre que l’emploi n’était en aucun cas fictif. François Fillon a fait donner des appuis, qui ont communiqué des versions quelque peu contradictoires (ou Penelope Fillon passait-elle l’essentiel de son temps professionnel ? à l’assemblée ? dans la Sarthe ?), et fait tonner la grosse caisse de l’indignation. Le palmipède aurait fait preuve de ‘’mépris’’ et ‘’misogynie’’. Il reste que l'employeur ne s’est pas engagé à détailler l’agenda de son épouse. Bernard Accoyer avait témoigné dans un premier temps que les fonctions de Penelope Fillon étaient réelles, avant de nuancer, sinon de se rétracter au micro de Léa Salamé : ‘’je ne connais pas le détail de… de son travail, ce que je peux dire, c’est que je l’ai vue souvent’’.

Cela reste pour le moins vague. Pour Paris-Match, elle se campait en discrète mère de famille, et elle déclarait au Bien Public ‘’jusqu’à présent, je ne m’étais jamais impliquée dans la vie politique de mon mari’’. Mensonge véniel, visant à se donner une image de mère de famille très traditionnelle, et se concilier les femmes au foyer ?

Sans doute aussi. Mais, ce qui est plus gênant, c’est d’une part la hauteur des émoluments perçus, d’autre part que divers titres confidentiels donnent maints détails sur les cabinets ministériels mais aussi les entourages professionnels des parlementaires. Ainsi du Trombinoscope, largement diffusé dans les rédactions, à Sciences Politiques, dans les cabinets d’influence, &c.

Ce Trombinoscope est un peu ce que le répertoire du Service d’information du Premier ministre est à la presse, un outil de travail aussi complet que possible. L’Argus de la presse a-t-il jamais fait état de ces fonctions ? ‘’Tout n’est pas dans Le Trombinoscope’’, a rétorqué Accoyer. Tout, oui, mais rien d’essentiel n'y manque, ou presque. Un employeur fictif s’expose théoriquement à cinq ans de prison et à 500 000 euros d’amende. Comme le disait François Fillon du général de Gaulle et à l’inverse de Nicolas Sarkozy, les responsables politiques se doivent d’être irréprochables. On se demande si le chef d’accusation d’abus de biens sociaux vise ou non La Revue des Deux Mondes, propriété de Marc Ladreit de Lacharrière, très proche des époux.

Elle en a perçu 5 000 bruts mensuels, théoriquement pour une activité de pigiste dont la réalité a échappé à la rédaction en chef. Plus de 13% des parlementaires emploient des proches, mais ne s’en cachent pas. L’AFP rapporte que des proches du groupe parlementaire ‘’tombent des nues’’. Philippe Gosselin (LR), depuis le Palais-Bourbon, a souhaité que des preuves puissent être produites au plus vite. Pour le moment, Penelope Fillon laisse son mari s’exprimer (enfin, publiquement).