Tiens, il faut faire amende honorable. Benoît Hamon n'a pas frôlé les 60%, la participation n'a pas atteint 2,1 millions. Qu'importe. Avec plus de 99,5% des bureaux dépouillés, le seul élément vraiment étonnant, c'est la hausse, d'un tour sur l'autre, du nombre des nuls et blancs : 1,52%. Sans doute le fait de sympathisants qui pourraient voter différemment au premier tour des présidentielles. L'attention se porte à présent sur le sondage pour Le Figaro, RTL et LCI. Marine Le Pen, un quart des suffrages, François Fillon et Emmanuel Macron faisant jeu égal (22 et 21%), mais Benoît Hamon devant Jean-Luc Mélenchon (15 contre 10%).

Sondage, sondage, miroir, miroir… Dans les deux cas, Marine Le Pen est battue au second tour. Est-ce si sûr ?

Une (faible) gauche pour Marine

Une fraction, d'autant plus réticente à se confier aux sondeurs que c'est quasiment inavouable (et le score du Front national a été minoré pour la même raison naguère), des sympathisants de gauche est prête à voter Marine Le Pen pour faire barrage à François Fillon. Qui le dit ? Uniquement mon petit doigt. Deux raisons à cela. Le portefeuille. Pourquoi voter pour un Fillon revalorisant retraites et salaires et reprenant de l'autre main, par l'augmentation de la TVA, poussant ses mesures inflationnistes ? Pourquoi ne pas voter Marine Le Pen, envisagée contrainte à la cohabitation, embourbée, devant faire avec soit une majorité Emmanuel Macron, soit LR, soit Parti socialiste.

Car désormais, pour les législatives, tout semble envisageable. Nous ne sommes plus dans le rationnel, qui s'est éloigné en bottes de sept lieues, mais dans l'émotionnel. D'accord, aux résultats des sondages, je préfère les brèves de comptoir. D'accord, les zincs sont désertés, ou beaucoup moins fréquentés, mais il y a aussi les soirées pizzas livrées, les discussions autour de la machine à café.

Attendez-vous à savoir, aux nouvelles de demain, que mon pifomètre a été victime d'un bogue. N'empêche. Croyez-le ou non : plutôt que Fillon, ce sera Marine. Et ce serait même Sarkozy plutôt que Fillon, si l'ancien président le suppléait. Dans ce cas, les plus ardents partisans du Sarko bashing préféreraient sans doute celui qu'ils ont honni à une Marine Le Pen.

Complexe ? Reprenons. Sarkozy, pour les sensibilités de gauche, est un faiseur. Mais Fillon encore davantage. Marine Le Pen, c'est l'aventure. Pas si folle au point de convertir la France au catholicisme polonais ou à l'orthodoxie du Kremlin, mais pas loin. Mais une Marine Le Pen présumée (pari risqué) impuissante dans son pré-carré élyséen, pourquoi pas. Et un Sarkozy de retour à "ses" affaires, mais rendu plus prudent, plus circonspect, et préservant la construction européenne, pourquoi pas non plus ? Bien sûr, cette gauche multiforme se tâte. Macron ? Hamon ? Mélenchon ? Gaspard Delanoë (non, seulement candidat dans le 19e arr. de Paris) ? Mais après le ''tout sauf Valls'' – non partagé par une partie de la gauche se voulant, non pour lui, mais contre Fillon ou Le Pen –, le ''tout sauf Fillon'' progresse.

Lourdement. Le Penelopegate, une surprise pour personne à gauche, juste une confirmation, renforce cependant la détermination. L'évidence de l'immédiat (démentie demain ?), c'est qu'une France ingouvernable issue d'un accord Mélenchon-Hamon-PCF, minoritaires face à la France de droite d'à-présent, n'est pas pour demain. Mais la France de l'isoloir n'est ni celle des sondages, ni celles des primaires, ni celle d'hier. D'autant que si l'avenir judiciaire de Fillon était hâté, que si François Bayrou se présentait, les tarots prédicatifs (hmm...) seraient rebattus grave. Les compléments des sujets d'incertitudes sont plus qu'auparavant multiples. Surtout les indirects.