Au final, on ne sait plus ce qui est le plus ahurissant, insolite, voire hilarant, du Penelopegate en soi, de ses prolongements, ou des réactions indignées des fillonistes. Lesquels se récrient et se hérissent à tout crin (unbridledly, dirait la cavalière Penelope Fillon, adepte de l'understatement à la ville comme au manège) dès qu'un nouvel épisode vient alourdir le fardeau de l'affaire. Or donc, comme détaillé précédemment, sur moins de six ans (depuis la mi-mai 2012), ne pouvant plus puiser dans le budget des autres ministères pour soulager celui de Matignon, François Fillon se fait raser et vêtir gratis.

Pour la barbe, Penelope, sa fidèle ex-assistante présumée, s'en charge. Pour la mise, ce sont des généreux donateurs. Rien que chez Arnys-Berluti, filiale LVMH, il y en a pour 48 500 euros. Bah, cela fait (à peine) moins de 700 euros par mois en costumes, vestes paysannes ou type forestier (pas vraiment bûcheron des Ardennes ou schlitteur des Vosges, mais vaguement approchant), blazers, &c. Le prix d'un trois-pièces Dormeuil, mais là, c'est du 6 500 euros le deux-pièces.

Réactions indignées

Penelopegate, prêt, ou suicide conjugal présumé, agression de jeunes filles aux lames de rasoir (dans le Vaucluse), caricature d'Emmanuel Macron, c'est à chaque fois la même antienne. Ras-le-bol qu'on s'en prenne au "rebelle antisystème" qu'est devenu François Fillon.

Les faits, quels faits, où cela ? Soit on minimise : c'est impossible de régler en espèces pour 35 500 euros de pantalons de néo-sans culotte, donc c'est une invention des médias. Restent divers chèques, incontestables. Eh bien, oui, rapporte Le Figaro qui a recueilli des commentaires de l'entourage du candidat : "il est exact qu'un de ses amis lui a offert des costumes en février, cela n'a rien de répréhensible".

Pour les autres amis ou amies, c'est : prouvez-le donc ! Bref, la note tombe à 13 000 euros. C'est d'autant moins répréhensible que le plafond du don manuel à déclarer au fisc est de… à peine plus. Enfin, d'habitude, donateur et donataire sont parents… Mais glissons. Sur Europe 1, Luc Chatel a fait part de son ire. C'est "une campagne de caniveau".

On veut salir les costumes en les aspergeant des lies d'égout, doit-on comprendre. Pas de délit, juste des goûts et des couleurs. "On va vérifier si sa grand-mère n'avait pas un emprunt russe et s'il l'a bien déclaré ?". Allons, Luc Chatel, ces allusions ambiguës au cabinet 2 F Conseil et à l'argent du Kremlin sont pour le moins maladroites, voire déplacées. Ou serait-ce que l'ex-sarkozyste marquerait contre son nouveau et très récent camp filloniste ? Mercredi, le rebelle antisystème se présentera devant les magistrats instructeurs en costume Tati de Chez Tati, chaussé de souliers aux semelles baillant sur ses chaussettes reprisées, un peu hâve, les joues rêches, et ils ne lui rappelleront pas que le règlement de l'Assemblée déconseille d'accepter des cadeaux d'un montant supérieur à 150 euros.

Chaussettes cardinalices, comme Balladur, de Gammarelli, fournisseur de la curie, usées jusqu'au bout. Mais chacun décide de l'opportunité d'une obligation déclarative. Le pauvre hère, finalement mal entouré quand Penelope doit s'absenter pour trimer à La Revue des Deux Mondes, victime de trous de mémoire, ne sera pas accablé pour une cravate de travers. Mais on compatit. Il sera sans doute gêné aux entournures puisque Le Point a titré "François Fillon enfile le costume de Nicolas Sarkozy". Pour L'Express, c'est "Fillon, dandy de grand chemin". Chemineau ou ribleur, indique Le Grand Robert. Un peu Vitalis mais non sans famille. On déforme ses propos. Il se dit "seul à incarner une vraie rupture" et désormais on pense à un accroc que doit ravauder Penelope.

Comme l'estimait (pré-Penelopegate) Madame Figaro, Fillon, c'est l'anti bling-bling, "pas un seul fashion faux pas à son actif". Mais le système et les médias s'acharnent à le faire trébucher. Abominable.