C'était prévu depuis "plusieurs semaines" mais l'entourage du candidat a soumis cette condition : "ne pas avoir à répondre à des questions portant sur les affaires pour lesquelles il a été mis en examen". Luc Bronner, du Monde, pour la rédaction, a estimé "nous avons refusé parce qu'il nous semblait indispensable d'interroger François Fillon sur la moralisation de la vie publique". Voilà de quoi donner du grain à moudre tant au mouvement Stop Corruption qu'aux soutiens du candidat estimant qu'il est harcelé et victime d'un acharnement… Pourtant, avec François Fillon et ses affaires, c'est du un coup je refuse d'en parler, un autre j'en parle volontiers… si on se contente de mes réponses sur le Penelopegate.

Rien de très neuf ici, mais au loin...

Cela a commencé par des petites phrases, et continué par le refus de répondre à quatre questions de la rédaction de La Dépêche du Midi sur ses affaires. Laquelle s'est empressée de les publier en encadré. Puis François Fillon répondait, sans être trop tarabusté, à La Voix du Nord, puis au Parisien-Aujourd'hui en France, réfutant par exemple avoir rendu à l'avocat Robert Bourgi deux costumes de provenance incertaine. Puis il bottait en touche… Comme La Dépêche du Midi a pour propriétaire le futur ancien ministre Jean-Michel Baylet, qui vient de se prononcer pour Emmanuel Macron, le sous-entendu est : voyez, ils exagèrent. Et pour Le Monde, dont il était certain que sa rédaction refuserait que François Fillon choisisse les questions posées, comme pour Jean-Jacques Bourdin, le message sous-jacent est : des médias roulent pour Macron, je ne me prête pas à ce jeu.

Tandis qu'avec Le Parisien, il peut enchaîner sans être contredit ce type d'exagération : "la justice s'est emparée du sujet en une heure…" (Le Canard enchaîné est presque partout la veille au soir de sa parution, le parquet national financier attendra le lendemain et n'auditionnera le couple Fillon que le lundi suivant). Puis il fait état de descentes de journalistes dans la Sarthe, et évoque que pour eux, "j'ai une Ferrari cachée dans la grange" et autres supputations farfelues.

Maladroit quand on s'est fait inviter à Capri par Luca di Montezemolo, patron de Ferrari, sur son yacht, et qu'on se blesse à scooter après avoir essayé le dernier modèle de la marque. Ou que ces élucubrations rappellent les nombreux emprunts de Falcon ou d'hélicoptères de la Défense pour se rendre au château de Beaucé alors qu'il a tout fait (et réussi) pour détourner une LGV sur Sablé, puis fait financer une desserte de la gare au centre-ville par la suite.

Ce aux dépends d'une liaison plus directe Le Mans-Angers par La Flèche… La famille Fillon ne possède qu'une Peugeot d'occasion et une Toyota, mais tout ancien Premier ministre dispose – à vie – d'une limousine de fonction et d'un chauffeur. C'était peut-être l'une des questions que lui réservait Le Monde : est-ce normal ? En visite chez Deezer avec Alain Juppé, François Fillon a risqué d'être confronté à des écrans affichant "Rends l'argent" (et non pas seulement des costumes destinés par Robert Bourgi à de bonnes œuvres). Deux anciens ministres de Jacques Chirac, Thierry Breton et Pierre Méhaignerie (maire UDI de Vitré, très confortablement réélu depuis 40 ans) viennent de lâcher François Fillon.

Après Dominique Perben, Pierre Méhaignerie est le second Garde des Sceaux à lâcher Fillon au profit d'Emmanuel Macron. Autre rallié insolite à Macron, Jean-Michel Fauvergue, ex-patron du Raid, 39 ans dans la police, qui évoque "l'honnêteté et l'intégrité que j'enseigne à mes enfants et que j'ai appliqué tout au long de ma vie". Fillon se victimise, mais ouf, Nadine Morano, qui pour cette raison avait "envie de lui mettre des claques", s'est ravisée. À présent (Le Figaro), elle dit que les affaires ont pris une proportion démesurée et évoque "une campagne de dénigrement". Il faut croire qu'elle se poursuit. Interpellée par l'éventuel ralliement (démenti par l'intéressé) de l'un de ses anciens, Joseph Macé-Scaron, à François Fillon, la rédaction de Marianne prend ses distances, évoque le "naufrage éthique du candidat de la droite" et "les mensonges de François Fillon".

Le cœur du Penelopegate s'étiole (du moins dans l'actualité), mais le quotidien belge Le Soir et Mediapart vont sans doute revenir sur les rapports de 2F Conseil et de François Fillon avec le Kazakhstan. Attendez-vous à savoir… La Sûreté belge et la DCRI (actuelle DGSI française) ont collaboré pour tirer d'affaires un sulfureux Kazakh d'origine ouzbèque, Patokh Chodiev. Ce serait passé par l'Élysée, en 2011, et non par Matignon. Surtout pas d'amalgame ! Sauf que François Fillon finissait par parapher l'accord portant sur la vente de 45 hélicoptères d'EADS au Kazakhstan, le 27 juin 2011 (après deux visites sur place, en 2008 et 2010). Et que le candidat, en tant que dirigeant de 2F Conseil avait "donné" une conférence au Kazakhstan en 2013, et participé à trois colloques, avant d'être reçu une nouvelle fois à Astana en juin 2015.