Il est très fort, Me Antonin Levy, mais quelque peu trahi par ses clients… Pour Me Levy, ce serait fin janvier que les documents transmis par l'Assemblée au parquet financier ont révélé que Penelope Fillon avait bénéficié dès 1982 de rémunérations financées par les contribuables mais "personne n'a considéré qu'ils étaient dignes d'intérêt. La bonne question à se poser, c'est pourquoi le parquet national financier qui, lui, savait depuis des semaines, n'en a pas parlé, et pourquoi cette information sort à 14 jours du premier tour". Un véritable complot (du silence) dont Me Levy fut aussi victime.

Car que déclarait-il le 30 janvier ? Que "les deux volets qui faisaient l'objet de l'article du Canard enchaîné" avaient été abordés par lui-même et ses clients et que "les enquêteurs recevront d'autres documents" qu'il fournirait, prouvant la réalité des fonctions de Penelope Fillon. Des documents qu'il ne s'empresse pas de communiquer mais auxquels il a accès depuis que le dossier est traité par trois juges d'instruction. Il semble qu'il n'ait été informé, lui, par le couple Fillon, uniquement des documents relatifs à la période avril 1998-nov. 2013. Car, dans un premier temps, François Fillon avait déclaré avoir employé sa femme à compter de 1997 (une légère confusion due aux multiples pertes de mémoire du candidat).

Puis, en un second, dès 1988, et dans un troisième, à partir de 1986. Et de fait, le site Fillon2017 ne fait état que d'un emploi d'un mois, en avr. 1986. Mais alors, que fait Me Levy, qui a depuis accès au dossier ? Il ne prend pas la peine d'avertir le bourgmestre du site Fillon2017 qu'il y a moyen d'abaisser encore la moyenne nette des rémunérations mensuelles de Penelope Fillon en remontant à 1982 ?

On espère qu'il est comme les donataires des costumes de François Fillon, un bénévole n'attendant rien en retour et qu'il ne présentera pas d'honoraires.

Fuites à décharge

François Fillon souffre de fuites de mémoire à répétition qu'il faut bien sûr mettre à la décharge du couple et de ses avocats. Quant à la fuite à charge, il est pour le moins maladroit de la part de Me Levy de l'imputer au parquet financier.

Mediapart, qui a révélé que "Penelope Fillon a en fait bénéficié d'argent public dès le premier mandat parlementaire de son mari" a fort bien pu être renseigné par x, proche de l'Assemblée nationale, ou y, proche de François Fillon, tel Bruno Retailleau qui, depuis fin 1994, croisait fréquemment Penelope Fillon dans les couloirs de l'Assemblée et a pu recueillir des témoignages concordants remontant à 1982. Les enquêteurs soupçonnent même que, dans un souci de transparence, des collaborateurs de François Fillon auraient pu reconstituer des documents couvrant l'intégralité de la période 1982-2013. Techniquement, il s'agit de faux, mais c'était pour la bonne cause. D'autant que, le 6 février, François Fillon écrivait que Penelope Fillon "a donc occupé ce poste pendant 15 ans" (en fait 17, de date à date, et auparavant, à compter de 1982, il ne s'agissait que d'études ponctuelles et de missions temporaires).

Et que, surtout, "tous les faits évoqués sont légaux et transparents", comme Me Levy saura en convaincre les magistrats instructeurs, mais aussi l'opinion, en communiquant tous les détails, tous les intitulés des missions et enquêtes effectuées. Ces intitulés, les durées, les rémunérations, paraîtront évidemment sur le site Fillon2017 qui, cette fois, exprimera les montants en euros constants. Finalement, Me Levy reproche à Mediapart de faire fuiter ce qu'il pouvait lui-même rendre public dès la mise en examen de son client, le 14 mars, voici presque quatre semaines ? Que ne l'a-t-il fait ? Puisque tout est transparent et légal ? Et pourquoi donc Penelope Fillon, dans ses entretiens au JDD n'a-t-elle pas fait état d'une plus longue compétence professionnelle attestée ?

C'est simple, ils diront tout (enfin, présume-t-on) et même le reste le 21 avril avant minuit, heure de fin de la campagne présidentielle. Me Levy juge prématuré que le déballage soit progressif ? À l'insu du plein gré de ses clients ? Opinion respectable. Cela étant, si la justice devait adresser un avertissement verbal à la famille Fillon, ce ne serait que pour les faits postérieurs à 1997. On peut concevoir que la période 1982-1997 intéresse peu la justice. Mais les contribuables ? Et Marc Joulaud, l'employeur le plus rémunérateur ? Aurait-il été fourbe envers l'auteur et prédécesseur ? Il a voté un texte au Parlement européen allégeant les droits d'auteur. François Fillon a répliqué "Je suis favorable à ce que les auteurs puissent enfin être rémunérés quand ils sont repris par un moteur de recherche". Sans doute songe-t-il à sa retraite, qu'il n'imagine pas anticipée et ne voudrait prendre qu'en 2022. Puis aller piger à La Revue des Deux Mondes...