Il n'était pourtant pas le dernier à critiquer le FN, jugeant dans un passé pas si lointain le parti de Marine Le Pen, avec laquelle il vient de sceller un "accord de gouvernement" qui n'a pas fini de faire couler de l'encre, "xénophobe" et "insultant". Mais cela, c'était avant. Quand Nicolas Dupont-Aignan était à la marge, quand le président de "Debout la République" (rebaptisé depuis "Debout la France") était encore crédible lorsqu'il se prétendait gaulliste. Nicolas Dupont-Aignan voulait être le Grand Charles. Il ne sera finalement que l'héritier du sinistre amiral Darlan ou de Pierre Laval, deux hommes de triste mémoire capables comme lui de toutes les compromissions pour exister et servir leur dessein personnel.

Après avoir attaqué Marine Le Pen, après avoir rogné une partie non négligeable de l'électorat de François Fillon, mais pas au point de se voir rembourser l'intégralité de ses frais de campagne, Nicolas Dupont-Aignan vient donc d'accorder un soutien sans ambiguïté à la candidate d'extrême-droite. Un soutien retentissant et historique qui fait jaser de tous les côtés, jusque dans les rangs de son propre parti, que Dominique Jamet, ci-devant vice-président, et Eric Anceau, jusqu'ici responsable du projet, ont décidé de quitter dans la foulée de ce tournant ô combien déstabilisant.

Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen : S'acoquiner pour exister

Au-delà des protestations, par-delà les admonestations, décrypter la stratégie de Nicolas Dupont-Aignan n'a rien d'une formalité, surtout quand l'intéressé a, pour justifier ce ralliement qui pourrait tout de même faire imploser la formation dont il a la charge, cité le Général de Gaulle.

Car le fondateur de la Ve République reste le tenant le plus illustre de cet idéal d'une grande France qui ne fait pas de cas des origines, encore moins si elle est en danger, l'inspirateur d'une Résistance constituée de sensibilités bien différentes, un eurosceptique de base aussi, puis "eurocontraint", mais par-dessus tout la figure tutélaire d'un pays revenu de tout, ouvert, sûr de sa grandeur, mais pas ingrat pour autant.

Sept décennies plus tard, il s'est sans doute retourné dans sa tombe une nouvelle fois en apprenant que Marine Le Pen a promis à Nicolas Dupont-Aignan de le nommer Premier ministre en cas de victoire. Celle-ci demeure pourtant tout saut acquise, même si la candidate frontiste remonte dans les sondages, profitant de ce soutien et plus encore des tergiversations, abstentions voire ralliements d'une partie de ces électeurs de Jean-Luc Mélenchon et de François Fillon qui renvoient dos-à-dos la gauche, fût-elle plus réformatrice, et l'extrême-droite.

Ce ralliement ressemble, toutes choses égales par ailleurs, à l'appel de François Bayrou, issu lui aussi des rangs de la droite classique, à voter François Hollande en 2012. Dans les deux cas, le mot "trahison" a été lâché. Dans les deux cas, les deux hommes ont estimé qu'il leur était impossible de chercher leur destin politique sans renverser la table. Cinq ans après, le président du MoDem, désormais conscient qu'il ne sera jamais chef de l'Etat, en est réduit à soutenir Emmanuel Macron pour tenter d'obtenir un maroquin ministériel pour lui et ses alliés les plus proches. Il est peu probable que "NDA", qui a pris le risque suprême en politique de piétiner sa propre image, fasse mieux si celle qu'il a choisi de soutenir se casse les dents sur le front républicain.