De nos jours, la majorité des Français - ceux qui votent - ne votent plus en fonction de leurs convictions ou de leur adhésion aux idées défendues par un homme politique, mais bien plutôt en fonction de la personne qui se trouve en tête des sondages. Pourquoi ? Parce que, selon eux, et c'est finalement ce que la sphère médiatique cherche à faire, il serait inutile de voter pour un autre candidat que celui qui va gagner puisque, de toute façon, ce vote ne servirait strictement à rien, l'homme s'apprêtant à devenir le futur président étant déjà désigné par les sondages.

Le problème, c'est que l'idée même du vote utile contredit le principe du suffrage, qui doit être une élection d'adhésion.

Le seul vote utile est le vote de conviction

Le principe du suffrage est de déposer dans l'urne le bulletin contenant le nom du candidat dont les idées sont les plus conformes aux nôtres. Ainsi, " voter contre " l'un ou " voter utile " semble être une contradiction totale. En effet, nos ancêtres se sont battus afin de pouvoir " voter pour ", et simplement pour. De sorte que l'acharnement médiatique que nous subissons aujourd'hui en faveur d'un prétendu vote utile pour le candidat désigné par les médias rapproche notre société de celles de pays comme la Chine, le Vietnam, ou autres Etats où l'on est libre de voter, mais pour un parti unique.

Autrement dit, dans ces pays-là, l'élection présidentielle est une sorte de primaire du Parti communiste.

Une immaturité politique ?

Pour autant, cela signifie-t-il que la plupart des Français, qui se laissent dicter leur choix par les sondages, sont sans réelle conviction idéologique ? Certainement pas. Cela montre plutôt l'emprise, ou le carcan exercé par un certain système dans cette élection, système qui ne souhaite qu'une chose : sa perpétuation.

Voter Hamon, c'est voter contre les médias. Voter Mélenchon, c'est voter contre les médias. Voter Fillon, c'est voter contre les médias. Voter Le Pen, sans doute par-dessus tout, c'est voter contre les médias. Macron est l'un des seuls candidats à ne proposer aucune mesure concrète pour l'autonomie des médias vis-à-vis des milliardaires qui les détiennent - d'où l'intérêt de le faire élire par le biais habituel des sondages.

L'une des seules solutions pour ce que système cesse de mépriser en permanence les petits candidats et place tout le monde au même niveau serait sans doute d'interdire les sondages.

Sans sondage, personne ne croirait savoir qui est en avance sur qui, qui a toutes ses chances de perdre, et ainsi les citoyens voteraient selon leurs convictions propres. D'ailleurs, même au niveau des candidats, cela changerait la donne, puisque ces derniers évacueraient toutes les tactiques et les stratégies électorales qui sont les leurs depuis des années : taper sur celui qui est le plus haut dans les sondages, à tout prix, afin de se mettre en avant. Car le mieux n'est pas de dénigrer les autres sans cesse, mais de montrer que les solutions que l'on propose sont les meilleures en les justifiant. Il est facile de dénigrer, mais l'inventivité pour soi-même est autre chose, et c'est de projets novateurs dont la France a besoin, pas de petits calculs électoraux.