Voici les faits. Dans l'émission d'aujourd'hui de La Nouvelle Édition sur C8, la présentatrice Daphné Burki présentait le projet d'amélioration des claviers d'ordinateurs en matière d'ergonomie. En l'occurrence, il s'agit d'une initiative au départ du Ministère de la Culture, notamment de changer les claviers « azerty » en des claviers « bépo ». L'idée est de changer l'ordre des lettres sur le clavier, afin « de répondre aux besoins dactylographiques de notre temps en augmentant les possibilités d'écriture, pour permettre à chacun d'écrire selon ses préférences et selon les règles qu'il s'impose » (dixit l'Afnor dans un communiqué).

Présentant ainsi le clavier « bépo », la présentatrice se tourne vers ses chroniqueurs et leur demande leurs inspirations pour des claviers personnalisés. Lorsque vient le tour de Nicolas Domenach, ce dernier expose son ingénieuse idée d'un clavier « jilf », expliquant sa boutade basée sur un anagramme, clairement dédié à Daphné Burki. « Cela conviendrait pour (...) journaliste I'd like to fuck. » Phrase choc, qui relève du sexisme ordinaire, et qui pourtant n'a suscité aucun étonnement sur le plateau.

Un comportement anodin qui révèle un problème plus profond

La blague semble avoir bien fait rire Daphné Burki. Pour ma part, elle me semble plutôt déplacée. Doit-on trouver normal que sur un plateau télé, un chroniqueur se permette de comparer ouvertement et publiquement une femme sur son lieu de travail à une catégorie populaire de site pornographique ?

Cela ne reviendrait-il pas à, sous couvert d'humour, rabaisser de manière sous-jacente la femme au travail à une vision seulement sexuelle de son corps ? Voit-on souvent la blague inversée, c'est-à-dire une femme plaisantant à propos du corps d'un homme avec des allusions sexuelles ? Les réponses sont claires.

Perçue en plateau par les journalistes comme drôle (puisqu'elle a provoqué un rire unanime et que personne n'a relevé le caractère grossier de la remarque), la farce n'est pourtant pas anodine.

Elle révèle en effet l'ambiance sous-jacente de machisme dans le monde du travail, plus particulièrement dans le monde de la TV, sur une chaîne, ne l'oublions pas, publique. De plus, il est déjà arrivé que Nicolas Domenach se voie faire des remontrances pour des propos sexistes.

Après le scandale Hanouna toujours en cours et son boycott publicitaire, la chaîne C8 ne va-t-elle pas trop loin en laissant libre cours à ce genre d'intervention discriminante ? Alors qu'elle a battu un record d'audience en février 2017 avec 400 000 spectateurs pour 4% de part de marché, l'émission devrait faire attention à ne pas tomber dans l'apologie du Sexisme ordinaire.