Les juristes sont unanimes : chacun naît avec un patrimoine.

En effet, entre le patrimoine génétique, le patrimoine intellectuel, le capital santé, les talents divers…, c'est-à-dire, ces richesses immatérielles et extra-patrimoniales que l'on ne peut ni vendre ni acheter parce qu'inaliénables, il est incontestable que chaque personne naît, et vient au monde avec un patrimoine. Seulement voilà, une chose est de posséder des talents, une autre est d'en être conscients. Or, en général, le premier à ignorer ses propres talents, se trouve être le talentueux lui-même.

Vient ensuite la société dans laquelle il vit. Pour ce qui concerne l'Afrique au sud du Sahara, le manque de professionnalisation des savoir-faire, de même que l'ignorance et le manque de promotion des talents individuels, explique l’augmentation du chômage.

Un chômage galopant du fait du manque de professionnalisation des savoir-faire

Dans les campagnes, villages et villes africains, ils sont nombreux à savoir cultiver les champs, pratiquer la pêche, pratiquer la chasse, faire la bonne cuisine, faire de bonnes coiffures pour hommes et femmes (tresses de cheveux), faire la bonne couture, chanter, danser, jouer le tam-tam et le tambour, amuser le public en faisant l'humour, en jouant la comédie...etc.

Et pourtant, tous ces talentueux ne vivent pas de leur art. S'agissant des agriculteurs, des chasseurs et des pêcheurs, ils peuvent vendre leurs produits agricoles et leurs produits de pêche au marché. Ce qui constitue pour eux, des ressources financières, leur permettant d'assumer les charges familiales. Il en est de même pour certains coiffeurs et certains couturiers.

Mais, pour ce qui concerne les autres, leurs talents ne leur rapportent pas grandes choses. Ils prospèrent surtout dans le bénévolat. Ainsi, les cordons bleus font gratuitement la cuisine pour nourrir la population à l'occasion des fêtes et rites traditionnels et religieux. Dans le lot des cordons bleus, ceux qui s'en sortent le mieux sont celles et ceux qui ouvrent un restaurant.

Autrement, on passe son temps à préparer pour les autres, sans rien recevoir en contrepartie.

Quant aux chanteurs, danseurs, et joueurs d'instruments musicaux, ils sont uniquement là, pour amuser la galerie lors des cérémonies, de façon gratuite. Parfois, au sein de chorales bénévoles, ils animent les cultes et les messes, sans être rémunérés. Rarement, il leur vient à l'esprit d’organiser des concerts payants, pour réaliser des profits à destination de leurs membres. Le plus triste, ce sont les maîtres de chorales. Très souvent, ils sont au Chômage, et vivent de l'aumône de personnes généreuses, auxquelles ils tendent la main. Certains des maîtres de chœurs meurent de maladies bénignes qu'on aurait pu soigner par une meilleure prise en charge.

Lorsqu'ils ont l'idée de former un orchestre, alors là, seulement, il leur arrive de vivre de leur art.

En ce qui concerne les conteurs publics qui font de l'humour en temps normal comme au cours des cérémonies funèbres pour fortifier les cœurs meurtris, en général, ils ne perçoivent rien. Ainsi, des comédiens de grand talents demeurent dans l'anonymat et dans la pauvreté.

A titre d'exemple, en Côte d'ivoire, dans certaines tribu de l'Ouest du pays, à l'occasion des funérailles, il y a une manière assez spécifique de pleurer, en exhibant des pas de danse, à l'écoute de chantres traditionnels. Cette mise en scène qui apporte une touche particulière aux funérailles ne peut être entreprise par quiconque ; car il faut beaucoup de talents, d'apprentissage et de professionnalisme.

Or, ces pleureuses professionnelles n'ont aucune organisation, elles ne sont pas rémunérées pour déployer leurs talents. Tout est fait bénévolement. Alors que si ce secteur était professionnalisé, les acteurs feraient l'objet d'une location au-delà des frontières de leurs tribus ; on viendrait de loin pour les payer, afin qu'ils se déplacent pour animer des obsèques ailleurs.

Quoiqu'il en soit, les talents africains ne sont pas valorisés. De ce fait, plusieurs talentueux sont dans la misère, ils sont considérés comme chômeurs. Autrement dit, ils grossissent les rangs des chômeurs par manque de professionnalisation de leurs savoir-faire.

Un chômage accru à cause de l'ignorance et du manque de promotion des talents individuels

Non seulement au niveau national, des politiques d'identification et d'accompagnement des talentueux ne sont pas entreprises dans la majorité des pays, mais encore, les talentueux eux-mêmes ignorent leur valeur culturelle, leur valeur sociale. Du coup, les talents ne sont pas promus.

Tout cela fait que même pétri de talents, on peut souffrir de misères jusqu'à mourir dans le stricte dénuement en Afrique, en toute indifférence.

Au fond, en Afrique, si on est pauvre, parfois, cela est dû à la non-exploitation de ses talents, au défaut de mise en valeur de son savoir-faire.

Pour venir à bout de cette situation, des politiques structurelles devaient être développées avec pour but, la recherche et l'identification des talents cachés sur les territoires des États, en vue de leur valorisation. Par ailleurs, les États devraient former des spécialistes capables de repérage précoce de savoir-faire. Cela aiderait à gagner du temps dans l'aide aux talentueux s'ignorant en tant que tels.