Ces dernières années ont vu l'affirmation de revendications féministes en France et dans nos sociétés occidentales du fait de la révélation de nombreuses affaires de harcèlement sexuel ou encore de différences salariales. Des associations voient le jour, des manifestations pour le droit des femmes ont lieu, des revendications de plus en plus nombreuses apparaissent. Certaines sont écoutées comme la parité en politique ou la suppression du « mademoiselle » sur les documents officiels, mais l'égalité n'est toujours pas atteinte. Est-ce une question de temps ou une question d'idéologie ?

Faut-il attendre encore quelques années pour que l'égalité arrive d'elle-même ou faut-il changer radicalement les moyens d'action du féminisme ? Je pense que le féminisme actuel se trompe d'objectif dans son combat et doit ainsi changer ses formes d'action.

Un mouvement agressif refusant toute forme de contradiction

Aujourd'hui, il n'est plus possible de ne pas être féministe sans être traité de « macho » ou de « réac ». Et ces qualificatifs sont utilisés, étant un argument facile de décrédibilisation de l'adversaire, dans des débats touchant aussi bien au féminisme qu'à des thèmes très différents. Qu'il suffise de penser à la réaction de Raquel Garrido qui traite Pierre Ménès de macho simplement parce qu'il l'a traité de "tourte" a cause d'une position qu'elle avait prises à propos du foot actuel.

L'opposition n'a plus le droit d'exister, elle est niée, méprisée, laissée à la marge, comme si elle n'était faite que de gens idiots, mal éduqués. Cependant les sociétés dans lesquelles nous vivons aujourd'hui ont été dominées par les idées antiféministes pendant des millénaires. Sommes-nous plus intelligents aujourd'hui qu'avant ?

Je ne pense pas. Je ne suis pas en train de dire que les sociétés d'antan étaient mieux que celles d'aujourd'hui, loin de là , je dis simplement que des sujets comme la place des femmes dans la société ne peuvent admettre de vérité absolue, mais simplement des opinions. Ainsi le féminisme devrait laisser un petit peu plus de place à la démocratie, car c'est le débat politique qui crédibilise des opinions, et non la répression des idées adverses.

Une logique de vengeance et de pouvoir

Aujourd'hui, chaque parole allant à l'encontre des droits des femmes, chaque blague contenant un fond de machisme, chaque mot, chaque coutume, chaque pratique renvoyant (ou non) à la domination masculine, est vécu comme une oppression et entraine une levée de bouclier dans le camp féministe. Les femmes se disent touchées personnellement, elles disent ressentir la domination masculine à chacun de leur pas dans l'espace public et réclame une solution politique à chacun de leur problème. Tout ceci est certainement vrai (qui est mieux placé qu'une femme pour savoir ce qu'elles ressentent ?), cependant cela repose sur deux logiques qui peuvent, à terme, être gênantes :

  • Premièrement la caricature de la nature masculine : tout homme est, par nature, machiste, assoiffé de sexe, dominateur, ... L'homme normal n'existe plus, il a laissé sa place à l'homme caricaturé dans l'imaginaire féministe. Finalement les féministes, qui dénonce l'enfermement des femmes dans des rôles bien précis et à des places bien définis de la société, utilisent ces mêmes moyens pour caricaturer les hommes.
  • Le fait qu'aujourd'hui toute femme dise ressentir la domination masculine, que ce soit dans l'espace public ou encore dans les médias montre la suprématie des caractéristiques du groupe social sur celles de l'individu : les femmes se définissent aujourd'hui plus en tant que femme qu'en tant qu'individualité, elles font passer l'identité de genre avant l'identité particulière. C'est ainsi qu'aujourd'hui une femme ne se demande plus ce qu'elle a de plus ou de moins que sa voisine mais ce qu'elle a de moins que son conjoint. Se crée alors une atmosphère de jalousie, les femmes jalousant les avantages de hommes, qui n'envahit pas seulement le temps présent mais aussi le passé : le féminisme se sent le représentant non seulement des femmes opprimées de nos sociétés contemporaines mais aussi celles des sociétés passées. Le féminisme est donc un combat contre les hommes, les femmes ne pourraient pas accédaient à certaines fonctions simplement parce que les hommes les occuperaient par exemple, le féminisme cherche le conflit et se trouve plutôt dans une logique de pouvoir et de vengeance que d'égalité. Ainsi la théorie dominante actuelle est celle d'un affrontement pour la domination entre deux groupes sociaux aux caractéristiques similaires. Et si on retournait la logique ? Et si on refondait le féminisme à partir d'une réflexion sur la différence ? N'est-ce pas là la clé ?

Réfléchir à de nouvelles formes d'action

En effet aujourd'hui le féminisme est dans une logique de demande de permission de pouvoir emprunter le même chemin que celui des hommes.

Il demande l'égalité, or demander l'égalité met d'autant plus en valeur le modèle masculin, ses codes et ses pratiques, qui serait comme un idéal parfait à atteindre ! Le féminisme ne doit pas tenter d'effacer les différences entre le groupe social masculin et le groupe social féminin, car ceci renforcerait la position des hommes en faisant de leur mode de vie l'idéal à atteindre. De plus même si les différences s'amoindrissaient de plus en plus, les femmes resteraient toujours des « hommes amoindries » dans la mesure où elles concurrenceraient les hommes dans des domaines qui leur sont défavorables, due à des caractéristiques naturelles ou des évolutions historiques. Le féminisme doit au contraire accroitre ses différences : il doit créer de nouvelles valeurs, de nouveaux codes, de nouvelles pratiques proprement féminines pour ouvrir une nouvelle voie : le mode de vie féminin.

Celui ne serait pas vu comme quelque chose de péjoratif, ou l'on imaginerait la femme au foyer sous domination de son mari s'occupant seulement de ses enfants, mais deviendrait justement l'idéal à atteindre. Celui-ci ne serait pas le calque du mode de vie masculin mais s'appuierait sur des caractéristiques favorables aux femmes, dans les domaines du futur comme les nouvelles technologies ou le développement durable. Les femmes doivent être au premier plan de ces nouveaux défis. C'est de plus un moment propice à cela : la mécanisation permet la réduction de l'utilisation de la force physique dans la vie quotidienne, domaine qui est naturellement favorables aux hommes et qui était la raison de leur domination dans de nombreux domaines.

Par exemple, plutôt que de demander la possibilité d'occuper les mêmes postes que les hommes et de revendiquer l'égalité salariale, les femmes devraient investir des corps de métier différents et y imposer leur système de valeurs comme les homosexuels ont su le faire dans la mode. Autre exemple : aujourd'hui les femmes demandent la permission de pouvoir être des caricatures : elles réclament la possibilité de pouvoir s'habiller comme elles veulent sans être emmerdées dans la rue, noble revendication mais cela ne passe par la loi ou les gouvernements mais par la mise en scène, la conception de soi-même en tant que caricature, le second degré est la clé sauf que le féminisme actuel exclut tout second degré.

Regardez les drags queen ! N'est-ce pas la représentation parfaite de la mise en scène de soi-même en tant que caricature ?

Une égalité peu enviable

Le féminisme doit donc s'efforcer de renverser la logique dominatrice : ce ne sont plus les femmes qui doivent vouloir copier les hommes mais l'inverse, et ceci ne passe pas par l'égalité et encore moins par la politique. Ainsi le féminisme actuel devrait moins se focaliser sur cette obsession de l'égalité car celle-ci n'est pas atteignable et encore moins enviable ! Cela fait des milliers d'années que les sociétés existent et jamais nulle part il y a eu l'égalité entre des groupes sociaux. Pourquoi arriverait-elle maintenant ? Et de plus une société a besoin de hiérarchie, d'inégalités pour que règne un minimum d'ordre.

L'égalité, c'est l'anarchie. Qui dans une société entièrement égalitaire, peut refuser a quelqu'un le droit de réaliser ses désirs, même si ceci entre en contradiction avec ceux d'un autre ? Prenons un exemple tout simple : deux personnes veulent utiliser la même voiture, si aucune hiérarchie n'existe, la situation tourne rapidement au conflit. Imaginez alors cela à l'échelle d'une société, c'est la guerre ! Cependant il est évident qu'il existe plusieurs degrés, plusieurs formes d'inégalités : certaines sont inacceptables voire dangereuses, d'autres bénéfiques. C'est pour cela que le but du féminisme ne doit pas être la suppression de ces inégalités mais le changement de sens de celle-ci. Le féminisme doit donc trouver comment faire de ces inégalités une force et cela doit passer par la mise en avant de valeurs et de modes de vie proprement féminins.