Affaire Weinstein, démission du Ministre anglais de la défense, excuses du député français Lasalle, effet dévastateur du twitt « Balance ton porc », émotion massive dans la population, dénonciations par des actrices : le monde français est en ébullition. Marlène Schiappa Secrétaire d’Etat à l’égalité entre les hommes et les femmes, souhaite un plan de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dont les femmes sont victimes. On doit saluer cette initiative car Marlène Schiappa compte déposer en 2018 un projet de loi allant dans cette direction et elle organise en amont des ateliers qui mobilisent tous les acteurs de la vie sociale française (associations, magistrats, société civile, etc.).

Il s’agit de judiciariser et d’inscrire dans le marbre de la loi toutes les pratiques contre le harcèlement.

Voici un beau programme avec des objectifs louables. Au-delà de l’émotion réelle et sans offenser qui que ce soit, force est de constater que l’incertitude juridique rode autour de la notion de harcèlement à circonscrire. Quelles frontières établir entre harcèlement et séduction ?

Où se trouve la frontière étanche entre harcèlement et séduction ?

Le harcèlement dont il est souvent question est celui des hommes envers les femmes mais on parle très peu de l’inverse, celui des femmes envers les hommes. Nous sommes dans un jeu à double détente. Il ne s’agit pas de réduire le harcèlement à un processus ludique mais de montrer que la séparation entre harcèlement et séduction risque de poser des problèmes aux magistrats.

Le harcèlement suppose une répétition de l’action de l’homme envers la femme puisque c’est de cet harcèlement-là dont la société est coutumière. Parfois les actions répétées, sans être agressives, se traduisent par le sourire de la femme et après murîssement débouchent sur une séduction. Marlène Schiappa souhaite que la loi punisse le harcèlement.

L’intention n’est pas anodine car il faudra établir une ou des normes qui doivent être connues de tous et être acceptées par le corps social.

Est-il possible d’établir une norme juridique pour encadrer le harcèlement ?

Dans le domaine juridique, l’incertitude risque de devenir radicale. Il faudra dégager le concept de harcèlement de sa gangue sociétale en lui donnant des contours très concrets avant de l’habiller d’une ou de plusieurs normes juridiques.

Selon les sondages, comme celui réalisé par le journal La Croix du 20 octobre 2017, 96% des Français attendent de la part des pouvoirs publics des actions efficaces pour lutter contre le harcèlement de rue. Il y a un harcèlement de rue mais aussi un harcèlement domestique. Sont-ce deux harcèlements de même nature ? Sont-ils articulés autour des mêmes objets ? Concernant le harcèlement domestique, quelle ligne de partage établir entre autorité, harcèlement, nervosité, voire réprimande de la part de l'homme envers sa femme et vice-versa ? Des hommes et des femmes peuvent avoir des remarques sexistes sans que celles-ci relèvent du harcèlement. On peut avoir un mot malheureux envers son compagnon ou sa compagne sans que ce mot ne soit rattaché au harcèlement.

Où se trouve la frontière entre le harcèlement moral insidieux et le harcèlement sexiste lourd ? Nous sommes au cœur de l’incertitude au niveau de la frontière à établir entre les différentes formes de harcèlement et la recherche des normes juridiques pour encadrer ces différentes formes. La loi est nécessaire pour encadrer la lutte contre le harcèlement, cette loi requiert un consentement de la part du corps social et une certaine réciprocité dans l'attitude des hommes et des femmes marquée par un ensemble de responsabilité et d'obligation. D'une manière très générale, on peut dire que la loi doit se justifier en entretenant un état de sécurité et de prospérité collective sans dénaturer les rapports humains entre les hommes et les femmes.

La loi implique quelque part un mécanisme de légitimité acceptée par tous et de tous. Nous sommes au point de départ d'un plan qui doit structurer les relations entre hommes et femmes. Il faut espérer que celui-ci ne dénature pas ces relations. Il y a la loi, c'est vrai, et il y a la vie en société, une vie marquée par des normes juridiques mais surtout des normes sociales et tout le débat est comment articuler normes sociales et normes juridiques. la question du harcèlement n'échappe pas à cette problématique.