Que faire de cette image ? Que penser de cette jeune fille, qui vit ce moment d'horreur, au coin de sa rue, en Libye, entourée par des adultes détenteurs de la force légitime ? Peux-t-on se mettre à sa place ? Quand l'espace public est à ce point envahi par le déséquilibre, où sont les portes de sortie pour elle ? Est-ce qu'il lui faudra un miracle pour passer entre les coups, les brimades, et les agressions ?

Parler des gens, c'est dire le mal

Nous sommes face à une nécessité : il faut parler de ce qui leur arrive, à ces gens qui se retrouvent embarqués dans un bateau fou, où les forces se déchaînent autour d'eux sans qu'ils puissent changer d'embarcation.

Il faut se mettre à leur place. Comment ferions nous si nos conditions de vie changeaient ? Quand partir ? Et comment faire ? Pour aller où ? Une action a été mise en place ce dimanche 26 novembre 2016 pour dénoncer et combattre l'arrivée imposée d'illégaux en Ardèche. Est-ce que nous laisserions comme ça notre voiture, notre maison, nos meubles, nos affaires, à la merci de tous, parce que nous avons peur pour notre vie ? Rien n'est moins sûr, parce que le malheur, on le sait bien, touche toujours les autres. Nous finirions par être aussi des victimes, faute de n'avoir réagi à temps. Pourtant, migrer, c'est vouloir rejoindre, pour un temps, des endroits plus sûrs.

Trouver des mots pour donner corps

Toute histoire d'esclavage s'accompagne de propos politiques très intéressants, la Libye a été déstabilisée par la France et les USA avec comme chef de file Nicolas Sarkozy dans le silence total des Etats africains, et de considérations économiques qui le sont encore plus, qui permettent d'expliquer pourquoi on en est arrivé à cette situation.

Mais le présent n'est pas l'histoire, il crie l'urgence, appelle à l'aide, demande des mobilisations, exige qu'une place juste soit faite à ce qui arrive, au milieu du flot ininterrompu des informations quotidiennes. De grand médias s'y mettent, et doivent y engager toute leur notoriété : l'horreur révélée par la chaîne CNN le 14 novembre dernier. Comment faire ?

Relier le présent d'ici à celui de là-bas, pour qu'ils se rencontrent. Pour créer un lien émotionnel. Mais comment faire que nos esprits se tournent vers des populations qui sont à la merci des bourreaux, qu'on frappe, attache ?

Migrer, c'est comme déménager dans un meilleur quartier

On se dit "c'est un autre monde", ou encore, "ce sont des pratiques surgies du passé, l'esclavage ici ne pourrait exister". Et pourtant, rappelons nous des cas d'esclavage moderne, révélés il y a quelques années, dans des familles françaises, qui employaient des femmes de ménages sans papiers. Est-ce que la modernité est détachée du passé ? Le passé n'est-il pas notre part d'ombre que nous ne voulons pas voir ? Ces victimes du trafic d'humains sont des gens qui ne font que déménager.

Il nous arrive aussi d'aller habiter dans un quartier plus sûr quand nous sentons que c'est nécessaire. il existe de nombreux endroits sur cette planète où vous pouvez vous protéger en cas de conflit nucléaire et assister à ce fabuleux spectacle sans risquer votre peau. Encore faut-il que nous y soyons accueillis avec bienveillance. Que ferions-nous si, en route vers notre nouvelle demeure, au volant du camion loué, remplit de nos meubles, des hommes nous arrêtaient pour nous enlever et nous vendre ?