Danton, "le Mirabeau du ruisseau", prenait des subsides de la cassette royale pour porter beau et rembourser ses emprunts et acquérir des biens nationaux. "Sur ce que la Cour obtint de lui, nous ne savons rien", constatent les historiens. On ne sait si les donateurs de François Fillon, hors le propriétaire de La Revue des Deux Mondes qui fut élevé au plus haut grade de la Légion d'honneur, ont obtenu quoi que ce soit en retour. Et de fait, mis en examen, François Fillon s'est vu épargner les poursuites pour "trafic d'influence". François Fillon a bien des Condorcet derrière lui, pour des raisons inverses.

Pour Condorcet, Danton était un mal nécessaire, qui saurait apaiser le peuple. Là, nous avons Fillon, rebelle antisystème. Et nullement le chef des "Indulgents". Mais comme Danton, Fillon n'a rien (ni son épouse n'aurait…), vraiment rien à se reprocher. Aussi, devant ses juges, Fillon se refuse à toute question, les rabroue et conclut : "vous avez décidé de me convoquer de façon précipitée pour des faits remontant pour certains à près de vingt ans". La différence, essentielle, sera que s'il n'obtient un non-lieu, François Fillon aura les moyens de se pourvoir en cassation : entouré de donateurs, rétribué par le contribuable en tant qu'assistant parlementaire, par le contribuable depuis ses 22 ans, il a de quoi voir venir.

La seule chose qu'il puisse redouter, c'est qu'un magistrat décide de statuer en urgence, soit avant que ses avocats aient pu épuiser toutes les voies de recours.

Bel exemple

Hier, il dénonçait "un calendrier judiciaire totalement indexé sur le calendrier politique" et il continue de clamer sa totale probité. Incitant tout parlementaire ou candidat à la députation ou au Sénat à user le plus longtemps possible du principe "pas vu, pas pris" (et possiblement minimes conséquences).

Guizot incitait à s'enrichir par le travail. François Fillon, hormis en commission de la Défense, fut un piètre parlementaire que l'on le voit très peu dans sa très huppée circonscription parisienne. Où résident pourtant quelques potentiels donateurs de moindre importance. Qu'il n'a bien sûr pas convoqué à venir poser avec lui lors de sa mise en examen, avancée d'un jour à sa propre demande pour ne pas être confronté au vulgaire, à la presse.

Pour lui, des magistrats n'ont pas à se prononcer sur l'activité d'un parlementaire, il ne relève que de ses pairs, tout comme les aristocrates antan. François Baroin s'est cependant abstenu de le suivre sur ce point. Il s'est borné à constater que sa formation actuelle n'avait plus aucune autre échappatoire. C'était sur BFM, ce fut très sobre. D'autres n'ont pas eu cette réserve. Philippe Vigier (UDI) est sûr de "l'innocence" de François Fillon. Christian Jacob (LR) en appelle au seul peuple : "c'est aux Français de juger et les Français jugeront". Pour lui aussi, bientôt ? Le sénateur Philippe Bas (LR), rappelle la présomption d'innocence. François Fillon a recueilli près de 3 000 signatures d'élus.

Il y en aura d'autres. Les électeurs sauront sans doute consulter la liste nominative sur le site du Conseil constitutionnel. Cela va de Damien Abad à Marie-Jo Zimmermann (députée de Moselle). On trouve même Patrick Balkany. Serge Dassault (et Olivier). Bref, de sérieuses références en matière de probité. Comme le proclame François Fillon, les Françaises et les Français trancheront. Pour Danton, toutes les Françaises et Français ne voulaient pas trancher... Pour Fillon, le couperet sera moins rude. Autres temps, autres mœurs ? Certaines mœurs ont cependant perduré, François Fillon en offre l'exemple. À suivre ou (à suivre) ? Bruno Retailleau avait multiplié par près de dix l'affluence au rassemblement du Trocadéro. Ce qui ne sera pas envisageable pour le décompte sortie des urnes. On verra ce qu'il en sera pour le Penelopegate... Dont on reparlera peut-être dans un an ou six ans...