J’avais théorisé l’hypothèse des deux gauches irréconciliables. Le soutien de Manuel Valls à Macron, alors que les deux hommes se détestent, me donne parfaitement raison. Selon Benoit Hamon, Valls est le traître de la maison socialiste. Selon la droite, c’est un opportuniste de situation. Pour les Hamonistes, Valls n’est pas un homme d’honneur, il déchire et foule aux pieds l’engagement visant à soutenir le candidat vainqueur de la primaire, signé devant les socialistes.

Macron est devenu l’auberge qu’il faut absolument fréquenter, alors qu’on peut se souvenir, il n’y a pas si longtemps, du mépris affiché par certains lieutenants de Valls qui estimaient que Macron n’était qu’un feu de paille.

C’est un feu de paille qui risque de durer et Manuel Valls, en politicien averti, anticipe le départ de certains responsables socialistes vers Macron pour lui signifier son soutien. Valls a compris que Macron n’aurait pas de majorité législative s’il était élu. En déclarant son soutien au candidat du mouvement En Marche, Valls veut devenir à Gauche le pôle réformateur qui obligera le candidat du mouvement En marche à négocier.

Pourquoi Valls veut devenir chef du pôle progressiste à l'Assemblée nationale ?

En devenant le chef de la maison des progressistes sur la gauche de Macron, il pense ainsi prendre date dans la recomposition du paysage politique qui se dessine. Que Macron soit vainqueur ou non, le pari de Valls est gagnant car il accentue le schisme à gauche en punissant Hamon de son absence de soutien et en lui faisant payer la fronde de certains socialistes au cours du quinquennat de François Hollande.

L’ancien Premier Ministre souhaite la défaite du candidat socialiste afin de mieux se saisir du parti lors du Congrès du PS. Là, rien n’est moins sûr car Manuel Valls n’a jamais présenté de motion au cours des différents Congrès qui ait pu obtenir un vote majoritaire. La ligne de synthèse du PS lors du dernier Congrès ne suffit plus pour faire vivre deux lignes idéologiques que tout sépare.

La parjure de Valls est-elle motivée que par des faits politiques ?

Le comportement de Manuel Valls est, dans les formes, à l’image de celui de François Fillon en ce qui concerne la parole donnée, et la comparaison s’arrête là. Razzy Hamadi, porte-parole du PS, intervenant sur LCI, estime que Manuel Valls est un déserteur (et le mot est fort) et que l’on ne peut pas lui faire confiance car il est porteur de la crise morale actuelle, au PS en particulier et au sein de la classe politique en général.

Pour les défenseurs de Manuel Valls, son attitude est tout à fait compréhensible car Hamon n’a pas fait les gestes nécessaires pour porter le projet socialiste de façon victorieuse. Les soutiens de Valls estiment que l’ancien Premier Ministre n’est ni traître, ni opportuniste, mais un homme d’honneur. On peut se demander où ces soutiens vont placer cet honneur chez Valls. La plupart des tweets diffusés par LCI ce jour, insistent tous sur la trahison et l’opportunisme de Valls. Pour Macron, le soutien de Valls n'est pas forcément une bonne chose car celui-ci accrédite l'hypothèse d'un retour des socialistes aux affaires et surtout de la garde de Hollande. Si Macron n'est pas au second tour, pourra-t-on imputer une partie de la défaite à Valls et aux socialistes qui, en le soutenant, l'auraient affaibli ?

Charles Pasqua des Républicains, du fond de votre tombe revenez vite car vous avez eu raison quand, de votre vivant, vous affirmiez que les promesses et les vérités n’engageaient que ceux qui les recevaient et non ceux qui les professaient. Dans la famille politique de droite avec Fillon et au PS avec Manuel Valls, on note que les deux hommes politiques se sont parjurés et vous donnent raison.