A l'issue de ces sénatoriales, dont le scrutin prévoyait aujourd'hui le renouvellement de 171 sièges sur 348, le Front National n'a gagné aucun nouveau sénateur en plus des 2 que le parti possède depuis 2014. Marine Le Pen se dit, elle, très satisfaite d'une "vraie augmentation en voix" en faveur de son parti. Cet échec notoire s'inscrit dans la continuité des autres revers que la présidente du parti frontiste essuie depuis des mois : score décevant au premier tour des présidentielles, naufrage en direct lors du débat d'entre deux tours, échec à s'imposer au dessus de 40% au second tour contre Macron, ratage aux législatives le mois suivant, débuts difficiles à l'Assemblée Nationale...

Ces sénatoriales qui ont complètement échappé au FN ont été précédées il y a quelques jours par le départ de Florian Philippot, ami et conseiller de Marine Le Pen depuis 2011.

Contrairement à ce que de nombreux cadres du Front affirment, le départ de Philippot et de sa ligne social-souverainiste ne va probablement pas permettre un redécollage électoral du parti. Au contraire : il pourrait s'agir de l'ultime clou planté dans le cercueil des chances du parti d'accéder au pouvoir suprême. L'élément perturbateur de la stratégie de Marine Le Pen réside dans le sentiment de division au sein du parti même, entre les nouveaux arrivants proches de Florian Philippot et les adhérents "historiques" qui se sont sentis lésés et mis à l'écart.

Cela s'est vu avec des tensions récentes et visibles entre pro-Philippot et pro-Marion Maréchal-Le Pen, sur la ligne politique à adopter. La création en mai dernier de l'association "Les Patriotes" par Philippot a contribué à semer davantage la confusion et accentuer les divisions et attaques personnelles en interne. Le renvoi de Sophie Montel du groupe FN de la région Grand Est et la destitution de Florian Philippot à ses fonctions de vice-président à la stratégie et à la communication ont révélé les faux semblants qui subsistaient encore.

Une période de difficultés à venir pour la leader frontiste

L'heure est à la refondation et à l'union des droites : c'est ce à quoi MLP a appelé, lors d'un rassemblement tenu hier à Toulouse. Il est en en effet question de refonder en profondeur le parti, autour d'un nouveau programme où la question européenne ne serait plus l'alpha et l'oméga de tout, mais une proposition comme une autre.

La présidente, délestée de quelques adhérents, cadres et conseillers régionaux qui ont rejoint "Les Patriotes", appelle désormais à un travail en commun avec Nicolas Dupont-Aignan, et ceux qui souhaiteraient une refondation de la droite nationale. Elle rappelle également que son parti a vocation à être la seule et unique force crédible d'opposition au président de la République, à l'heure où Jean-Luc Mélenchon et la France Insoumise occupe l'essentiel de ce créneau d'opposition au gouvernement d'Edouard Philippe.

Néanmoins, il semble que Marine Le Pen soit déjà bien distanciée par d'autres dans ce désir d'union des droites, par delà les partis. En effet, Nicolas Dupont-Aignan avait invité le week-end dernier aux universités de rentrée de son parti Debout la France deux figures connues de la droite : Jean-Frédéric Poisson du Parti Chrétien-Démocrate et Julien Rochedy, ancien directeur FNJ entre 2011 et 2014.

Le premier y a fait un discours remarqué et applaudi tandis que le second participait à une table ronde. Dans son discours de clôture, Nicolas Dupont-Aignan a rappelé la création d'une plateforme en ligne, Les Amoureux de la France, devant amener à l'élaboration d'un programme commun de la droite dite patriote. Reprenant à son compte le discours de l'union des droites, il a souhaité un rapprochement des "amoureux de la France", du "Parti Chrétien-Démocrate au Front National", sans les excès de celui-ci, et cela malgré les nuances qui peuvent exister dans tous ces courants.

Dans cette recomposition de la droite française, Marine Le Pen aura un rôle bien minime. Il se dit déjà dans la presse que Philippot a rencontré Nicolas Dupont-Aignan, et il est très probable qu'à très court terme les deux hommes politiques agissent côte à côte à concrétiser le processus de refondation du camp de la droite nationale.

Impossible à l'heure actuelle de prévoir sous quelle forme la droite souverainiste et nationale se présentera aux élections européennes de 2019, mais il est fort à parier que Marine Le Pen sera en mauvaise posture pour s'imposer. Après les percées électorales du FN depuis les européennes de 2014 jusqu'à la dernière présidentielle, le Front National apparaît à présent très affaibli, divisé et inaudible et la "Présidente", décrédibilisée et isolée.