Selon des documents récemment déclassifiés, le gouvernement des États-Unis avait une connaissance intime de la tuerie de masse de présumés communistes au milieu des années 1960 quand un demi-million de personnes furent massacrées en Indonésie. Les documents révèlent également que des intermédiaires de l'armée indonésienne ont déclaré aux ambassades occidentales qu'ils envisageaient de renverser le président Sukarno moins de deux semaines après le mystérieux assassinat de six généraux qui avait déclenché la saignée.

Le meurtre des généraux le 30 septembre 1965 est encore largement décrit comme une tentative de coup d'Etat communiste contre Sukarno.

En effet, ces meurtres ont servi de prétexte à un pogrom anticommuniste par procuration de la part des groupes militaires indonésiens ce qui a abouti à au moins 500 000 morts.

Pas d’auteurs, pas d’enquête officielle.

Alors que c’est l'un des pires massacres du 20ème siècle, les assassinats de 1965 et de 1966 n'ont jamais fait l'objet d'une enquête officielle et les auteurs n'ont jamais fait face à la justice. Trois mois après que les membres du parti communiste l'ICP ont été ciblés pour la première fois, un câble de l'ambassade des États-Unis à Jakarta écrit au département d'État américain; celui-ci a déclaré qu'il y avait «environ 100 000 morts d'ICP». Selon le même câble, quelque 10 000 personnes avaient été tuées à la mi-décembre de la même année juste à Bali, y compris les parents et les membres proches de la famille du gouverneur procommuniste de l'île, et le Massacre se poursuivait.

Deux mois plus tard, un autre câble de l'ambassade a cité des estimations selon lesquelles les tueries de Bali avaient atteint 80 000 personnes.

La publication des documents coïncide avec une recrudescence de la rhétorique anti-communiste en Indonésie où le communisme reste un croque-mitaine souvent invoqué par les conservateurs malgré l'effondrement de l'Union soviétique il y a près de trois décennies et l'adoption du capitalisme mondial par la Chine.

Discuter la période 1965-1966 qui s'écarte du récit fictif (en partie) de l'époque de Suharto d'un soulèvement national héroïque contre le communisme est encore découragé. L'année dernière, un symposium marquant qui a réuni les survivants vieillissants du bain de sang et les ministres du gouvernement a suscité une réaction violente.

Le directeur adjoint pour l'Asie de Human Rights Watch, Phelim Kine, a déclaré que la réparation pour les victimes était «attendue depuis longtemps». D’autre part, le ministre indonésien de la sécurité, Wiranto, a refusé de répondre aux questions. À son tour, le chef d'état-major adjoint de l'armée, H Siburian, a déclaré qu'il n'avait pas vu les documents, et donc ne pouvait pas commenter. De même, l'ambassade des États-Unis n'a pas répondu aux demandes de commentaires.

La politique de gauche de Sukarno.

Bien que les documents ne résolvent pas le mystère de la mort des six généraux en 1965, ils montrent que les États-Unis et ses alliés militaires indonésiens étaient profondément préoccupés par la politique de gauche de Sukarno et ses liens avec les communistes.

Le 12 octobre 1965, l'ambassadeur américain d’alors Marshall Green a écrit que l'armée avait abordé les ambassades occidentales à travers un «intermédiaire» et a dit qu'elles envisageaient un «mouvement rapide» pour renverser Sukarno, bien qu'aucune décision finale n'ait été prise. De plus, Green a déclaré que dans le cas d'un tel coup, les Etats-Unis « pourraient fournir de l'aide dans n'importe quel domaine à partir d'opérations secrètes et d'assistance au transport, à l'argent, au matériel de communication ou aux armes ».

En janvier 1967, le major-général Sjarif Thajeb a déclaré à un représentant de l'ambassade américaine que Sukarno prévoyait d'accuser les étrangers et leurs «petits amis de l'armée» d'orchestrer les tueries.

Le plan du président avait galvanisé les "faucons" militaires pour renverser Sukarno "d'ici mars".

En mars de la même année, le général Suharto est devenu président par intérim inaugurant trois décennies de dictature militaire.