Les velléités nationalistes des catalans auraient-elles donné des idées au peuple corse ? C'est ce qui peut ressortir des résultats du premier tour des élections territoriales sur l'île de Beauté, destinées à fusionner l'Assemblée de Corse et les deux départements en une seule collectivité à partir du 1er Janvier 2018. Plus de 45% des voix ont été accordées à la liste nationaliste 'Pè a Corsica' conduite par le charismatique Gilles Simeoni. Ce dernier devance la liste de droite régionaliste, qui se retrouve très loin derrière avec 14,9% des votes.

Pour parvenir à ce résultat historique, Gilles Simeoni a réussi à créer une coalition solide entre ses proches autonomistes et les indépendantistes de Jean-Guy Talamoni. Sa stratégie lui a même permis d'engranger 20.000 suffrages supplémentaires par rapport au premier tour de la dernière élection, alors que l'abstention a pourtant atteint hier un niveau record (47,83%).

Une campagne longue, mais efficace

Gilles Simeoni préparait le scrutin depuis de nombreux mois. Déjà en 2014, son arrivée à la tête de la mairie de Bastia avait marqué les esprits. Il avait ensuite démissionné deux ans plus tard pour se consacrer à la campagne territoriale, et avait passé le flambeau à son adjoint Pierre Savelli.

L'année précédente, lors des élections régionales de 2015, il avait déjà remporté la majorité relative au Conseil exécutif de l'île, dont il avait pris la tête au perchoir. Enfin, en Juin dernier, les corses ont, pour la première fois de leur histoire, élu trois députés nationalistes (sur quatre circonscriptions) à l'Assemblée Nationale.

D'autre part, les équipes de Gilles Simeoni ont su capitaliser un électorat nouveau. En effet, la Corse a toujours été dirigée par les mêmes partis depuis la création de son statut territorial particulier en 1982. Les familles Zuccarelli, Giacobbi (Parti Radical de Gauche) et Rocca Serra (UMP-Les Républicains) ont été une à une mises à la porte par les nationalistes depuis 2014.

Certains observateurs y voient là l'une des causes de l'abstention record enregistrée hier.

Les partis classiques en bas de classement

Les partis classiques de droite et de gauche, comme Les Républicains ou le parti Communiste, ont ainsi vécu hier une très mauvaise soirée. Cela confirme la désaffection grandissante des français envers la classe politique qui les gouverne depuis plusieurs dizaines d'années, et qui est incapable de se reconstruire, notamment depuis la naissance de La République en Marche, le nouveau mouvement du président de la République Emmanuel Macron. Mais en Corse, ce parti est encore mal implanté, bien que soutenu par une partie de la gauche. Hier, LREM est arrivée en quatrième position, avec 11,3% des voix, devancée par la liste des Républicains (12,8%).

Ces partis peuvent cependant se maintenir au second tour, car ils ont atteint la barre symbolique nécessaire, fixée à 7% des suffrages exprimés.

Derrière eux, une liste indépendantiste dissidente menée par Paul-Félix Benedetti recueille 6,7% des voix. Elle devance la liste du parti Communiste - Corse Insoumise (5,7%) et celle du Front National, qui dégringole à 3,3%. Au dessus des 5%, les listes peuvent espérer fusionner avec celles situées en haut du classement. Toutefois, le parti Communiste ne s'alliera certainement pas à la République en Marche, et les divergences sont profondes entre la liste indépendantiste de Paul-Félix Benedetti et celle de Gilles Simeoni arrivée en tête : "Le fond du problème, c'est surtout une querelle d'ego, et les places sur les listes ne sont pas extensibles...", déclare, sous couvert d'anonymat, un membre de 'Pè a Corsica'.