C’est en 1975, que Clark A. met un nom sur cette maladie encore très controversée. Appelée syndrome de Diogène, en référence à Diogène de Sinope, un philosophe grec du 5e et 4e siècle avant J.C, qui aurait vécu dans un tonneau, ne trouvant aucun intérêt pour l’hygiène corporelle, l’apparence, la propriété et pour autrui. Affirmant avec entrain son dégoût pour la société et ses mœurs.

Une définition du syndrome de Diogène ?

Cette maladie n’a jusqu’alors pas de définition officielle. Encore méconnue, elle fait l’objet de débats très controversés, notamment sur la façon de la définir et de la décrire.

Elle réunit un certain nombre de maladies plus connues, comme la démence ou les troubles obsessionnels compulsifs (TOC). Cette confusion est l'une des raisons qui nourrissent la controverse et c'est aussi l'une des raisons, qui font qu'il peut être difficile de diagnostiquer cette maladie. Néanmoins, dans la majorité des cas, on retrouve quatre symptômes récurrents :

  • La syllogomanie

L'individu atteint du syndrome de Diogène a en général un rapport aux objets biaisé, se manifestant le plus souvent par l'accumulation d'objets soit parfaitement rangés, soit dans un désordre total, entraînant par la même occasion l'insalubrité de l'habitat. Cependant, l'inverse est aussi possible, tout comme Diogène de Sinope, de vivre sans ressentir le besoin d'avoir le moindre objet en sa possession.

  • L'incurie

Le syndrome de Diogène se définit aussi par l'absence de soins. En effet, l'individu atteint ne ressentira pas le besoin de prendre soin de sa personne, tant en matière d'hygiène que de présentation. Il n'éprouvera par ailleurs, ni gêne ni honte quant à son état.

  • L'entassement

L'entassement se manifeste chez l'individu par l'accumulation compulsive d'objets trouvés, aussi appelé « collectionnisme ».

  • Misanthropie

Une personne atteinte de ce syndrome, peut manifester un manque d'intérêt complet, voire un grand mépris vis-à-vis d'autrui et du genre humain. C’est pourquoi il arrive que parfois, elle désapprouve toute intrusion dans sa vie privée et refuse systématiquement les aides qui lui sont proposées.

Qui est concerné par ce syndrome ?

Les cas recensés ont pour la plupart, concerné des personnes d'un âge avancé, ayant plus de 60 ans, sans distinction de sexe, même s'il a été observé une prédominance de femme parmi les cas. Cette maladie peut se manifester bien plus tôt, puisque des cas de personnes âgées d'une quarantaine ou d'une cinquantaine d'années, ont été recensés.

Si les personnes âgées sont plus sujettes à ce syndrome, il y a un autre facteur assez récurrent qui apparaît dans les cas. Il s'agit d'événements singuliers, qui ont marqué de manière profonde voire traumatisante et qui sont survenus récemment ou il y a quelques années. Il peut s'agir de la mort d'un être cher ou de la perte d'un emploi.

Enfin, ces individus bien qu'ils soient dans des situations souvent vétustes, ne sont pas forcément dans le besoin pécuniairement parlant.

Comment détecter cette maladie ?

Cette maladie n'est pas facilement détectable, les individus atteints ne montrent pas toujours de signes alarmants. La découverte de l'état du malade se fait d'ordinaire, fortuitement. Soit par le voisinage se plaignant de nuisance olfactive ou auditive, soit par un incident impliquant une assistance médicale ou une hospitalisation, ou encore grâce l'intervention de l'entourage et de la famille qui lèvent le voile sur les conditions de vie de leur proche. Bien que l’incurie soit un des symptômes les plus visibles, pour confirmer le diagnostic, une visite au domicile du patient est nécessaire, pour juger de l’état de l’habitat et attester toute forme de syllogomanie.

Etiopathogénie : l'étude des causes et circonstances des découvertes

Le diagnostic de cette maladie n'est pas simple, il n'y a d'ailleurs pas de règles concernant la manière ou les critères qu'il faut prendre en compte pour diagnostiquer le syndrome. Nonobstant, deux courants sortent du lot. D'un côté, il y a les individus atteints d'une pathologie psychiatrique quelconque et de l'autre, les individus qui n'en sont pas atteints, qui ne présentent aucun trouble du comportement et qui auraient par conséquent fait le choix de vivre ainsi. Le syndrome de Diogène n'apparaît pas dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV), pour le diagnostiquer, il faut donc trouver une approche qui prennent en considération toute l'hétérogénéité de la maladie.

C'est pourquoi, il est nécessaire de visiter le logement, afin de réaliser un diagnostic multicritère, intégrant l'accumulation et les troubles obsessionnels compulsifs (TOC). Le tout, accompagné de l'incurie permet de détecter la maladie.

Approche psychopathologique

L'accumulation d'objet par les patients peut se faire de deux manières différentes : de manière "active" et de manière "passive". Le patient actif accumule les objets trouvés à l'extérieur en prévision d'une utilisation future, tandis que, le patient passif se laisse envahir par tout objet, y compris les déchets. Ce qui signifie que le mode de vie peut être un choix, comme il peut ne pas l'être. L'accumulation d'objet peut être associé à différentes choses, comme étant la résultante d'un phénomène passé.

Dans ce cas, « l'amassage » devient un automatisme d'auto-défense pour colmater ou restaurer un état antérieur.

Selon Chebili, c'est la perte et le stress chez la personne âgée, qui conduit à une altération profonde du narcissisme. Une hypothèse qu'il associe au concept de « moi-peau », définissant le contenant, c'est-à-dire le corps et le contenu, le psychique. Cette approche permettrait que la relation entre le moi corporel et le moi psychique reste préservé. Or lors d'une blessure narcissique, le « moi-peau » perd sa fonction de contenant, un événement qui se traduit par une relation non-conventionnelle aux objets. L'accumulation serait en conséquence, la réponse trouvée par l'individu atteint pour restaurer son « moi-peau ».

Risques et conséquences du syndrome de Diogène

Le syndrome de Diogène peut avoir un certain nombre de risques, notamment pour la santé. En effet, si l'individu atteint présente des signes de syllogomanie ou d'entassement, les objets accumulés dans son logement sont une source potentielle de risques. Cela dépend de la nature des objets qui ont été entassés. S'il ne s'agit que de journaux ou de vêtements propres, les risques sont moindres. Mais s'il est question d'aliments avariés, d'ordures ou d'animaux morts et d'excréments, les risques sont élevés, à la fois pour le propriétaire du logement, mais aussi pour son entourage, le voisinage, et ceux qui interviennent. En outre, ces risques peuvent être biologiques, chimiques, physiques et psychologiques.

Il peut même, il y avoir des risques d'incendie, ainsi que des conséquences psycho-sociales. Les conséquences psycho-sociales, c'est-à-dire les troubles du comportement, se manifestent par la possible altération de la santé mentale non seulement du propriétaire du logement, mais aussi du voisinage et de son entourage.

Éthique et prise en charge : le cas du syndrome de Diogène

La prise en charge du patient pose certains questionnements, car il y a une énorme différence entre une personne ayant des troubles psychiatriques et une autre qui n'en a pas. Généralement, le terme de syndrome de Diogène est réservé aux personnes qui ont encore leur libre-arbitre et qui ont donc fait le choix de vivre tel quel.

Or le problème qui se pose dans ces deux cas de figure et en particulier pour le deuxième, est de savoir où est la limite entre le respect de la vie privée et le devoir d'assistance. C'est donc en ayant tout ceci en tête que la prise en charge se fait. Une prise en charge d'autant plus difficile quand l'individu refuse catégoriquement toute assistance. À partir du moment où l'alerte a été faite, les démarches qui vont suivre, seront strictes et rigoureuses. Afin de savoir s'il s'agit effectivement du syndrome ou d'une autre pathologie, dès la visite du domicile, et ce, jusqu'à la prise en charge, il y aura des précautions à prendre.

La visite du domicile permet de confirmer l'état de salubrité, ensuite vient la concertation et l'accord de la famille.

La demande de soin est dans la majorité des cas faite par les interventions médico-sociales. La prise en charge peut se faire de différentes façons : par l'hospitalisation, par des soins ambulatoires avec maintien à domicile, par un traitement médicamenteux possible uniquement lorsque le syndrome est associé à une pathologie psychiatrique. Dans tous les cas, une prise en charge sociale sera effectuée permettant le maintien du domicile et des bonnes conditions sanitaires.

La nature du syndrome de Diogène suppose des caractéristiques multiples, il n'est donc pas rare que certaines maladies psychiatriques y soient associées comme :

  • la démence
  • les troubles obsessionnels compulsifs
  • les troubles de l'humeur
  • l'alcoolisme voire le syndrome de Korsakoff
  • les psychoses (schizophrénie, psychoses paranoïaques, etc.).

Malgré la gravité d’une telle maladie, le fait qu’elle soit encore méconnue et peu documentée, ne permet pas d’établir de définition claire.

Il est même difficile pour un clinicien de ne pas s’interroger sur le bien-fondé de son intervention.

Le syndrome de Diogène en 2017

Une époque où les jours passent à toute allure et où la consommation de masse fait partie de notre quotidien, semble être particulièrement propice pour le développement du syndrome de Diogène. Qu’il s’agisse de troubles de l’humeur, d’alcoolisme ou d’entassement, il est assez facile de tomber dans ces travers quand les tentations sont présentes à chaque coin de rue. Il est donc bien vrai que ce syndrome est plus fréquent chez les individus issus du troisième âge, mais en sera-t-il encore le cas dans quelques années ? Quand on vit à une époque où le métier d'aide à la santé se déshumanise, que nous reste-il à faire pour préserver notre santé mentale ? Peut-être adopter un chat, qui sait ?