Après Jamie Dimon, le boss de JP Morgan qui avait qualifié le bitcoin d'arnaque et de bulle (avant de se revenir dessus après que bon nombre de gens se soient allègrement moqués de lui), c'est Tidjane Thiam, le directeur du Crédit Suisse qui s'exprime sur Bitcoin et commente l'explosion de la valeur de la crypto-monnaie à plus de 7000 dollars :

"Le Bitcoin, c'est surtout de nombreux défis. L'anonymat en est un. J'imagine que les banques, dans la réglementation actuelle, n'ont pas vraiment le désir de s'impliquer dans un système qui connaît de telles implications dans les mécaniques de blanchiment d'argent.

D'après notre analyse, la seule raison pour participer au marché du Bitcoin aujourd'hui est de s'enrichir : c'est ce qu'on appelle la spéculation, c'est aussi la définition d'une bulle."

Des approximations évidentes

Est-ce que quelqu'un qui est directeur général d'un établissement aussi important peut faire des raccourcis pareils sans être vu comme incompétent ou malhonnête ? La question est posée. Parce qu'il faut remettre les choses à plat. Tout d'abord le Bitcoin est certes utilisé pour gagner de l'argent par beaucoup de monde, mais il s'agit aussi d'une monnaie d'échange majoritaire utilisée sur un marché de cryptomonnaies florissant (dont bon nombre d'entre elles ont des applications concrètes très novatrices et donc à des fins non spéculatives : un exemple récent, la création d'espaces de stockage en ligne décentralisées).

La spéculation autour de la monnaie aujourd'hui est surtout due à sa nature fiable, sa découverte par de plus en plus de monde et à sa légitimation.

Ensuite "la définition même d'une bulle" donnée ici est complètement erronée. Quand bien même le bitcoin ne serait utilisé qu'à des fins spéculatives, la définition d'une bulle est de donner une valeur excessive à un produit par rapport à sa valeur intrinsèque.

La valeur du bitcoin n'est définie que par sa valeur d'échange, puisqu'il s'agit d'une monnaie ; c'est sa valeur intrinsèque même. Parler de bulle est erroné, il ne s'agit là que d'un jugement personnel.

Finalement, l'anonymat sur Bitcoin est très relatif. Il n'est certes pas nécessaire de décliner son identité pour échanger des bitcoins.

Mais toutes les transactions sont répertoriées dans la blockchain (technologie à la base du bitcoin et lui assurant son efficacité) au vu et au su de tous. Quasiment toutes les places de marché sur lesquelles il est possible d'échanger les bitcoins en euro, franc suisse, dollar et autres nécessitent une authentification via des documents attestant son identité et son lieu de résidence.

Que se passe-t-il quand on demande l'intérêt d'un ventilateur à un vendeur d'éventails ?

C'est surtout l'avis du directeur du Crédit Suisse, établissement qui gagne de l'argent avec les différentes devises et qui n'a aucun intérêt à ce que la population s'intéresse à une monnaie sur laquelle il n'a aucune influence et qui n'en tire aucun bénéfice.

Avis à prendre avec des pincettes, donc.

D'ailleurs c'est bien dommage qu'une telle personnalité soit aussi approximative avec des termes financiers comme "bulle". Car c'est le même Crédit Suisse qui a été condamné à verser 400 millions de dollars à un régulateur américain, qui l'accusait d'avoir vendu délibérément des produits financiers toxiques adossés aux prêts hypothécaires très risqués, dits "subprime", qui ont causé une bulle immobilière causant la pire catastrophe économique à l'échelle mondiale et contemporaine.

C'était quand même l'occasion d'en tirer une leçon d'humilité.