Stupeur et tremblements dans les rédactions étasuniennes ? Pas sûr. Mais hourras et jubilation chez les trumpistes, y compris en Europe. La presse pourrie n’est plus crédible, les deux comptes Twitter (Potus & RealDonaldTrump) suffisent pour communiquer en direct avec le vrai peuple All American des États-Unis d'Amérique vraie. C’est parti de deux faits dérisoires, la participation à la cérémonie d’inauguration de Donald Trump et la présence ou l’absence d’un buste de Martin Luther King dans le Bureau Ovale (s’ornant de nouveau d’un buste de Churchill).

En visite à la CIA, Donald Trump pointait du doigt le journaliste (qui avait auparavant promptement rectifié) ayant cru remarquer l’absence du buste de MLK et fustigeait la presse qui mettait en doute que son auditoire était beaucoup plus fourni que ceux des deux inaugurations de Barack Obama. La presse quasi-unanime l’estime à environ 800 000 personnes, The Donald a vu ‘’un million, un million et demi’’ devant lui. Auparavant, le directeur des relations presse de la présidence, Sean Spicer, avait fixé les éléments de langage : avec Trump, tout est bien dans le meilleur des mondes, mais la presse déforme tout. Des arguments repris de ce côté de l’Atlantique. Quand, sur BFM, la Republican Overseas française Évelyne Joslain se voit rétorquer qu’Obama a redressé l’emploi, elle conclut ‘’le chômage a baissé… parce que vous croyez aux statistiques’’.

Celles que reprend la presse, et qui sont donc, par nature, erronées puisque la gent ‘’journalope gauchiasse’’ en fait état.

Un mensonge, une riposte

Pris, tel Pinocchio, le nez enfariné, les trumpistes contre-attaquent. Reince Priebus, secrétaire général de la Maison Blanche, sur Fox News, s’en prend à la presse. Le réel, c’est accessoire.

‘’Le problème, ce sont les attaques et tentatives pour délégitimer ce président dès le premier jour (…) Nous rendrons coup pour coup chaque jour’’. Pire, sur NBC, Kellyanne Conwey, conseillère personnelle de Donald Trump, interrogée par Chuck Todd sur les affabulations de Sean Spicer, rétorque : ‘’N’en faites pas tout un plat, Chuck.

Vous dites que c’est une contre-vérité (…) Sean Spicer a présenté des faits alternatifs’. Chuck Todd insiste, le ton monte. ‘’C’est emblématique de la façon dont nous sommes traités dans la presse’’, dit-elle, et cela ne restera pas sans mesures de rétorsion. Ce sera à contrecœur, laisse-t-elle entendre, car elle souhaite une bonne entente avec les médias. Pire encore : Breitbart News relate l’échange. Plus question de la moindre mention des ‘’faits alternatifs’’. Seule subsiste l’éventualité d’une inflexion des relations entre la Maison Blanche et la presse. Bref, la presse jette un œil, la présidence montre les dents et mord. Qui meuble la page Twitter Potus (President of the US of A) se contente de multiplier photos et vidéos du président.

Mais realDonaldTrump, largement distancé en voix par Hillary Clinton, feint de s’étonner des manifestations : ‘’mais pourquoi donc ces gens ne sont-ils pas aller voter ?’’. Ou encore, ‘’31 millions ont regardé l’inauguration à la télévision, 11 de plus que le très bon audimat d’il y a quatre ans’’. C’est vrai (30,6 millions), c’est archi-faux, car il y en avait 39 pour Obama en 2009, et pas seulement selon Reuters et d’autres agences de presse internationales crédibles. Ces imaginaires 11 millions de mieux, c’est un ‘’fait alternatif’’ ? Ou une grossière affabulation ? Tout juste s’est-il retenu de redire que les journalistes (hors Fox & Breitbart) comptent parmi ‘’les êtres les plus malhonnêtes au monde’’.

Faites le tour des sites et forums de la fachosphère française : c’est non seulement repris, mais amplifié. Et c’est délibéré. Seule la ‘’réinformation’’ à l’Évelyne Joslain est crédible… Ubuesque, digne du ministère de la Vérité (le Miniver en Novlangue orwellienne de 1984) qui détruisait tous les documents gênants et pratiquait la doublepensée, les ‘’faits alternatifs’’. "L'ignorance, c'est la force'' (1984).