Grands moments de psychanalyse sauvage de comptoir dans la presse française et même étrangère. Encore quelques jours et nous sera campée une Penelope ''Penny'' Fillon en Jacqueline Sauvage trop désemparée, trop martyrisée pour passer à l'acte. C'est rassurant, d'une certaine manière, pour qui s'en prend aux études de genre, en ignorant presque tout. Elles doivent être inoffensives puisque qui se targue d'en avoir quelque aperçu, se penchant sur le cas Penelope, pourrait sombrer dans les mêmes clichés que ceux que véhiculent Sens commun (le bon sens traditionnel près de chez vous).

Voici donc Penelope Fillon, brimée, abusée, découvrant dans Le Figaro ce qu'aurait pu lui révéler Le Canard enchaîné. Enchaînée elle aussi, incapable, à l'inverse de La Reine des neiges, de se délivrer, libérer… Trop soumise et brimée pour réagir. N'osant demander à son époux de pouvoir consulter les relevés du fameux "compte joint'' sarthois (à défaut de ceux de tous les autres) afin de vérifier par elle-même ce dont son ménage a pu bénéficier à l'insu de son plein gré. C'est simple, il va falloir qu'un éditeur lui colle une ghostwriter à son chevet afin d'accoucher d'un Merci pour ce moment car, à l'inverse d'une Valérie Trierweiler, elle n'aurait même pas été en mesure de pondre sans aide deux notes de lecture pour La Revue des Deux Mondes.

Charitable mépris ?

Je n'ai pas la moindre idée de qui serait, de ce que pourrait penser ou ressentir Penelope Fillon. Mais, sur Facebook ou dans la presse, on s'en charge pour elle. C'est la compatissante Titiou Lecoq qui, pour Slate, résume ce qu'il faut deviner. Penelope Fillon est "un puits de douleur depuis des années".

Emmurée dans une solitude insupportable. Méprisée par ses proches et "en premier lieu, par ses enfants''. "Elle a un sourire à faire pleurer", traîne ses journées dans les musées et "son vide existentiel de salle en salle". Elle est "tellement considérée quantité négligeable'' qu'il est superflu de lui expliquer qu'on lui a fait cotiser pour sa retraite sans qu'elle le sache et qu'il serait maladroit de faire des déclarations selon lesquelles on la confine aux tâches ménagères et de compagne décorative lors des dîners chez les Dugommier.

"Elle a quelque chose de Melania Trump, une forme de dolorisme extrême". Je ne sais s'il faut lire Titiou Lecoq au premier, second, troisième degré. Je constate que physiognomonie, phrénologie, psycho-anthropologie, et criminologie d'antan ont laissé des séquelles. François Fillon aurait-il une tête d'assassin et Penelope le crâne et les traits de la victime ? Voyez comme elle crispe son poing, sourit amèrement, fait fuir son regard, &c. Irrecevable en audience publique, mais plaidable subtilement assorti d'effets de manche. Les faits sont plus ingrats. Penelope Fillon est la sœur de Jane, épouse Pierre Fillon, qui cumule les emplois. Elle fut la mère de deux grands enfants, étudiants, qui tout à coup n'ont plus eu besoin du même montant d'argent de poche, ayant trouvé un petit boulot dans un MacDo, croyait-elle ?

On lui cachait tout, ne lui disait rien, mais cette lawyer ayant pu prétendre devenir attorney, barrister, prosecutor, legal adviser, est la dernière des cruches ? La victimisation se double d'essentialisme. Elle n'était pas née femme, on l'a fait devenir soumise. Remontera-t-on à sa petite enfance ? De fillette conditionnée à perpétuer un rôle assigné auprès de son mari ? Victime de la violence domestique psychologique, d'un harcèlement insidieux, elle n'a pu rien voir, rien entendre et ne dire que des banalités ? Ou plutôt donner l'image qu'on attendait d'elle et qu'elle sentait confusément de nature à se concilier une partie de l'électorat ? Sincèrement, je n'en sais strictement rien. Zéro.

Serais-je obtus, excessivement matter of fact ? Insensible ? Borné ? En tout cas, je consulte les nouvelles balises proposées à mon entendement. Heureusement que j'ai dévoré les bibliothèques rose et verte : je retrouve plein de repères dans The Secret Seven.