Elisabeth Bop : Daddy Maky, qu'est-ce qui vous a motivé à écrire une chanson sur Cheikh Ahmadou Bamba*?

Daddy Maky : J'ai voulu rendre hommage à l'illustre Cheikh Ahmadou Bamba notre protecteur et sauveur. Le premier a avoir prêché pour la non violence dans la lutte contre le colonialisme. Il fût déporté au Gabon par le pouvoir colonial français pour les avoir défiés. C'était un grand résistant et un grand érudit.

E.B. : Un héros local qui s'est élevé contre la puissance coloniale, vous le perçevez comme un saint, un messie....ou presque un dieu?

D.M. : Oh non pas comme un Dieu. Comme un saint homme, qui nous aura beaucoup apporté sur le plan spirituel et culturel

E.B. : Certaines dérives sectaires donnent une image trouble du mouvement qu'il a inspiré. Cela révèle-t-il une tendance à l'idolâtrie des africains?

D.M. : Partout il y a des dérives mais je-suis suffisamment sage pour ne pas tomber dans ces excès...Seul le parcours de l'homme, dans une période si trouble et complexe, m'intéresse. Bien avant Ghandi ou Martin Luther king il fut l'un des premiers partisans de la non violence et un apôtre de la tolérance. C'est à cet homme que je rends hommage

E.B. : La colonisation est-elle un crime contre l'humanité comme l'a déclaré Emmanuel Macron?

Soutenez-vous ce mea culpa tardif et controversé de la France sur son passé colonial?

D.M. : La France a toujours été dans le déni en ce qui concerne son passé colonial.A Thiaroye (banlieue dakaroise) des tirailleurs sénégalais ont été massacrés par l'armée coloniale française pour avoir osé réclamer des primes a leur retour du front.

D'où l'événement connu sous le célèbre nom de Thiaroye 44.Le cimetière porte encore les stigmates de ce sanglant episode de la colonisation. Je ne parlerai pas des conditions d'humiliation dont une majorité d'Africains portent encore les séquelles.Je n'attends absolument rien de la France car les relations entre colonisateur et colonisés déterminent encore les rapports de dominant et dominés.Il n y a qu'a voir le nombre de bases militaires françaises en Afrique alors que nos pays sont sensés être indépendants.

C'est aux Africains de prendre leur destin en main et de sortir de ce que Cheikh Anta Diop* appelait la servitude volontaire.

*Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké dit Khadimoul Rassoul, mort le 19 juillet 1927 à Diourbel au Sénégal, est un théologien, juriste musulman et soufi.

*Cheikh Anta Diop est un historien, anthropologue, égyptologue et homme politique sénégalais. Il a mis l'accent sur l'apport de l'Afrique et en particulier de l'Afrique noire à la culture et à la civilisation mondiale.