Il y a donc 23 ans que Pierre Bianconi a disparu, un 29 décembre exactement. Ce jour-là, sa voiture est retrouvée sur le port de Bastia, et le jeune homme de 32 ans ne donnera plus signe de vie. Cette histoire intervient dans un contexte bien particulier en Corse, frappée par une montée significative de la violence.

En effet, quelques mois après la catastrophe de Furiani, qui a fait 18 morts, les tensions sont extrêmes, en particulier chez les nationalistes. Charles Pasqua redevient ministre de l'Intérieur en mai 1993, et il est bien décidé à reprendre le travail entrepris lors de son premier passage à l'Élysée à la fin des années 80 concernant le "problème des indépendantistes Corses", symbolisé par le FLNC (Front de Libération Nationale de la Corse).

Cette organisation clandestine (et sa vitrine légale) comptent de nombreux militants sur l'île de beauté, et elle est devenue puissante et influente. Cependant, Pasqua a eu vent de quelques divergences d'opinions entre différents dirigeants du mouvement. Une aubaine pour le ministre, qui va s'engouffrer dans la brèche et exploiter ce paramètre, avec des méthodes "peu orthodoxes" pour un représentant de l'État. En se rapprochant de certains, en fermant les yeux sur les actions des autres, Pasqua va parvenir en quelques mois à faire des tensions naissantes un véritable conflit entre les cadres de l'organisation. Le front va alors éclater en deux groupes, avec pour schématiser la branche armée FLNC canal historique (A Cuncolta, François Santoni) et FLNC canal habituel (MPA, Alain Orsoni).

Cette scission, agrémentée par les liens supposés que certains entretiendraient avec des organisations mafieuses de l'île, va très vite engendrer une escalade de la violence et de nombreux règlements de comptes.

Bianconi, sympathisant nationaliste

C'est donc dans ce contexte ultra-tendu que "Pierrot Bianconi", l'enfant de Bastia, arrête sa carrière de footballeur en juin 1993.

Auparavant, la latéral a quitté sa Corse natale une première fois pour se former à l'INF Vichy en 79, avant de revenir. Il passe ensuite par Besançon, Cannes et Nîmes. En 1987, après une année à Bastia, il signe à la surprise générale au grand PSG de Borelli. Après de bons débuts, les vieux démons de "Pierrot" réapparaissent, avec une expulsion lors d'une rencontre face à Monaco.

Car Bianconi, c'était ça aussi. Sur le terrain, il se transformait, capable de mettre un coup de tête à un arbitre qui venait de l'expulser lors d'un match amical avec Cannes, ou encore de sauter sur un CRS qui s'en prenait à un supporter Bastiais en fin de rencontre. Fougueux, rugueux, il était craint par ses adversaires et adoré par ses coéquipiers. L'épisode parisien sera donc perturbé par quelques sauts d'humeurs légendaires et de vilaines blessures à répétition. De toute façon, Bianconi a le mal du pays. Il revient sur ses terres en 88 et arrête sa carrière 6 mois avant la date de sa disparition.

Pourquoi ? C'est la question que tout le monde se pose encore aujourd'hui. Sa soeur, Léa Casale, en a fait un livre.

Elle évoque dans son ouvrage les rumeurs qui faisait de son frère un sympathisant nationaliste, notamment proche du MPA. Seulement à cette époque, au SCB, ce sont plutôt les partisans de A Cuncolta (FLNC canal historique) qui sont présents dans le club. Les codes n'étant pas les mêmes sur tous les terrains de jeux, est-ce le caractère impulsif de Bianconi qui lui aurait joué des tours ? Était-il devenu proche d'autres personnes liées au banditisme ? Mystère. Quoi qu'il en soit, cette disparition, sans corps et sans témoin, n'a jamais connu d'épilogue. Il faut dire que beaucoup de meurtres et de règlements de comptes n'ont jamais été élucidé sur l'île, dans le contexte politique de l'époque...

La guerre des clans et les dérives mafieuses vont faire de nombreuses victimes dans les années suivantes.

À Bastia, les proches de Pierrot Bianconi préfèrent évoquer avec émotion les souvenirs de ses exploits sur les terrains, à juste titre...