D’une heure à l’autre, Évelyne Joslain est devenue une des fréquentes requêtes du moteur Google. D’un jour à l’autre, les sites d’extrême-droite ou de droite hors les murs l’ont encensée. Car elle des vôtres, et elle baratine comme vous z-au-au-tres. Tout cela pour avoir déclaré sur BFMTV que Barack Obama ‘’était plus musulman dans son cœur que chrétien’’ et d'être conduite hors du plateau. Mais ce qui séduit encore plus les passionnés de ces sites et forums, c’est sa déclaration sur le bilan d’Obama : ‘’le chômage a baissé… parce que vous croyez aux statistiques’’.

Point. Aux initiés de poursuivre le raisonnement, exactement comme pour le phrasé de Donald Trump, aux phrases tronquées, laissant à qui l’écoute le plaisir de les finir à sa guise, ravi qu’un tel personnage pense comme lui. Le procédé était d’ailleurs exploité par Jean-Marie Le Pen : je ne vous dis rien, je n’en dirai pas davantage, vous m’avez compris. Bref, il faut saisir que la presse pourrie, qui déforme tout, s’est faite moucher par une réinformatrice. Extase, elle dénonce le complot médiatique, et certes pas vierge, mais martyre, on l’applaudit très fort.

De l’ombre à la lumière

Universitaire angliciste, Évelyne Joslain resta longtemps cantonnée dans sa spécialité, les cercles de réflexion et d’influence, en particulier aux États-Unis.

Elle publie chez l’éditeur L’Harmattan, soit de fait à compte d’auteur, et sa notoriété reste confidentielle. Même en sortant une quasi-énormité, selon laquelle l’Institut Montaigne serait ‘’un think-tank de gauche’’ (comme le CNPF devenu le Medef ?), elle ne fait pas le buzz. Puis survient le mouvement du Tea Party, avec pour cheffe de file Sarah Palin, et là, c’est l’illumination.

Elle obtient qu’un éditeur s’intéresse à un projet sur le sujet et parallèlement, sort aux éditions Muller un Obama : de la déconstruction de la démocratie en Amérique. Il y aura deux éditions, en nov. 2009 et avr. 2010. Le prière d’insérer de l’ouvrage est clair : il s’agit de ‘’faire connaître aux Français désinformés comment l’Amérique profonde, la vraie, voit, ressent et analyse les hystéries collectives actuelles qui lui ont valu ce premier président hostile à la démocratie américaine et à la civilisation occidentale’’.

Rien que cela. Après huit ans à la tête des États-Unis, la civilisation, la vraie, est en lambeaux, mais en moins de quatre ans, c’est sûr, Donald Trump va la rebâtir conforme à sa réalité profonde. Les vrais États-Unis de l’Amérique vraie sont sauvés. D’où un troisième essai, Trump : pour le meilleur et pour le pire. Sans rire. La voilà invitée presque partout. Surtout pour des plateaux ou en des studios qui avaient bien du mal à trouver un, une trumpiste à peu près crédible à opposer à d’autres spécialistes plus circonspects ou critiques. Là, elle en rajoute, et déclare par exemple que les manifestants contre Trump ‘’sont financés par George Soros’’. Les Marches des femmes ont rassemblé quelque deux millions, voire davantage, dans près de 70 pays et Soros, la bête noire de l’extrême-droite à tout payé : transports, bouteilles d’eau, sandwiches, &c.

Évelyne Joslain avait consacré son mémoire universitaire à la très conservatrice National Review, un bimensuel farouchement antisoviétique et anti-aides sociales. Le National Review Institute est aussi un cercle de réflexion. Les deux ont soutenu Ted Cruz et non Donald Trump. Depuis, ils applaudissent Trump et Palin quand ils félicitent Assange et blâment Obama quand il gracie Manning. Évelyne Joslain est aussi climatosceptique. Un peu bonimenteuse aussi. Fin 2007 elle vantait l’économie américaine, servant ‘’de locomotive aux économies européennes’’. Avec Obama, ce fut le déclin. Avec l’ultra-protectionniste Trump, elle fera quoi, la locomotive ? Bientôt, Joslain nous dira-t-elle qu’Obama a provoqué la marée noire du Golfe du Mexique parce Noir haïssant la blancheur ? Que Trump, en extrayant à fond du gaz de schiste, produit plus blanc que blanc ? C'est cela, la ''Réinformation''.