Depuis le 21 septembre 2016 et jusqu'au 23 janvier 2017, le centre Georges Pompidou à Paris nous offre une exposition mettant une nouvelle fois à l'honneur René Magritte, célèbre artiste surréaliste. David Ottinger, commissaire d'exposition, a en effet souhaité mettre en exergue une nouvelle facette du peintre Belge, à savoir son amour pour la philosophie. Magritte philosophe semble être le maître mot de cette exposition, qui occupe un espace dissociable en 5 thèmes, correspond aux 5 salles présentes dans la galerie. La trahison des images, entrée classique dans le monde surréaliste du peintre; les images et les mots; l'invention de la peinture; le trompe l'œil et la beauté composite, forment les cinq thèmes de ce circuit surprenant.
Quittant toute idée de rétrospective chronologique, les œuvres se côtoient d'une façon originale afin de donner une approche nouvelle de l'artiste philosophe.
Dès l'entrée, le classique Ceci n'est pas une pipe nous accueille, suivie de près par la Lampe philosophique mais également d'une œuvre relevant de ce qu'on qualifie la période vache de Magritte. Les préliminaires se font dans les codes, trouvant d'un côté les grandes dates caractérisant Magritte, de sa naissance à son décès, en passant par les dates de sa conférence ou encore de la naissance de son goût pour la philosophie. Là est la clé de l'exposition : la lampe philosophique est première, et nous inscrit d'emblée dans cette volonté philosophique.
Tournant sur lui même, le spectateur se retrouve face à un texte présentant Magritte au sein du surréalisme: présentant les caractéristiques du mouvement, citant la "Beauté de la rencontre fortuite d'une machine à coudre et d'un parapluie sur une table de dissection" de Lauréamont. Le texte tapissant cette entrée assez étroite nous fait entrer dans le monde de Magritte de façon très intime.
Une complexité assumée
L'artiste, présent dans les moindres détails de l'exposition (jusqu'à hanter la typographie par des effets de miroir entre les lettres) relève la question de la confiance que l'on peut accorder aux images. Cette question, socle de l'exposition, fonde l'argumentation complexe de la rétrospective .Les tableaux se mélangent aux correspondances de Magritte à Alphonse de Waelhens, au Traité de l'argumentation de Chaïm Perelman, mais également à Michel Foucault, faisant apologie de son art philosophique.
Au fil de l'exposition, les visiteurs s'aventurent dans les mythes créateurs, revisités à la lumière de Magritte, démontrant un lien puissant entre l'ouvrage de l'artiste et ces derniers. L'agréable impression épurée que nous donne l'exposition fait ressortir la richesse de ses éléments et de son environnement textuel. Ce dernier y joue un rôle considérable : la documentation apportée est concise, et fonde une véritable «structure d'argumentation » de l'exposition. Ce qu'on pourrait nommer la «scénographie » complète et s'associe à cette idée de netteté. La complexité des œuvres et du travail s'associe parfaitement aux murs blancs supports des œuvres, mais également aux murs noirs exposant les mythes et œuvres dont l'appartenance n'est pas à René Magritte.
Cette distinction précise fonde une véritable structure à l'exposition: suivre l'exposition dans l'ordre et revenir sur ces pas est ainsi permis, voire même encouragée par cette structure. Ce choix de jeu entre le clair et l'obscur semble s'inscrire dans une volonté de mettre face à face l’œuvre de Magritte et certains classiques, peintures comme textes. Ceci nous donne une nouvelle clé de l'exposition, consistant à marquer l'attention de Magritte aux codes du passé, aux mythes de l'art, mais également son attention aux concepts et questionnements d'ordre philosophiques. Le « mystère Magritte » débute alors dans ce couloir sombre jouant avec nos perceptions... et semble ne pas finir!