A l’heure oùde plus en plus de personnes se laissent tenter par la théorie du complot pourcontester les faits que les médias nous donnent à voir, le scepticisme sembleêtre l’une des doctrines dominantes, surtout en Occident. Ainsi au moment desattentats des 7 et 9 janvier derniers, nombre de personnes ont contesté laversion officielle en pointant du doigt certains éléments qui, selon eux,menaient tout droit à un complot.
Toutefois, souventsans le savoir, les adeptes de la théorie du complot adoptent une posturesceptique. Comme tout courant philosophique, le scepticisme repose sur degrandes idées et comporte certains paradoxes voire certaines contradictions.Tentative de réflexion sur un courant qui, s’il inspire beaucoup de monde, estsouvent mal connu.
Lescepticisme : une philosophie du doute
Lescepticisme descend du grec skeptikos quisignifie « qui examine ». Aussi est-il est au sens strict unedoctrine selon laquelle la pensée humaine ne peut déterminer une vérité aveccertitude, nous faisons preuve de scepticisme lorsque l'on doute de quelquechose. Le fondateur de cette école philosophique est Pyrrhon. Le scepticismeaffirme que l'homme ne peut trouver ni une réponse aux questionsphilosophiques, ni une certitude concernant les réponses aux questionsphilosophiques et énigmes de la nature et de l'univers, même si elles existent.
D'aprèsSextus, la philosophie sceptique (dans sa période tardive) est une philosophienon dogmatique dont le principe méthodologique est d'opposer à toute raisonvalable, et sur tout sujet, une raison contraire et tout aussi convaincante.
Lebut de cette recherche, que l'on peut qualifier de logique, est de détruire lesfausses opinions que nous soutenons à tout propos et qui nous rendent malheureuxen nous trompant sur la nature des choses. Ce dernier point peut être rapprochéde l'épicurisme ; mais la comparaison s'arrête là, car le sceptique entend bienrester dans l'ignorance en n'admettant rien qui soit douteux.
Il ne formule pasd'hypothèses, mais laisse toujours ouverte la possibilité d'une réfutation.
Lesfailles du scepticisme
Lescepticisme intégral se détruit lui-même, il conduit à se taire ou à légitimerdes positions relativistes ou nihilistes. L'exigence de preuve - voire de lapreuve de la preuve- peut conduire à une interrogation infinie.
Socrate fut lepremier à le démontrer. Hume assimile le doute sceptique à «une maladie del'esprit». Kant, dans sa Critique de laraison pure, qualifie les sceptiques de «nomades, sans domicile fixe».
En outre, lescepticisme est paradoxal dans le sens où en voulant combattre tout dogme, ilfinit par se transformer lui-même en dogme. De même, si rien n’est jamais sûr,comment les sceptiques peuvent-ils être surs du bien-fondé de leur doute ?Douter de tout doit forcément les amener à douter de leur propre doute.
Lasolution pour éviter cet écueil ? Considérer le doute comme un point dedépart
On l’a vu,le scepticisme est condamné à s’anéantir lui-même en doutant de son propredoute.
S’il aboutit nécessairement à cette contradiction, c’est que lescepticisme prend le doute comme point d’arrivée c’est-à-dire que peu importe laréalité ou la pensée, les sceptiques la remettront toujours en doute.
Prendre ledoute comme point de départ permet de préserver l’importance du doute dans laconstruction d’une pensée sans pour autant anéantir cette pensée. Socrate l’avaitcompris le premier. En affirmant « la seule chose que je sais c’est que jene sais rien », il place le doute comme la première de ses vérités, cellesur laquelle va se fonder toute sa pensée.
Mais commentéviter de parler de Descartes lorsque l’on évoque le doute comme point dedépart ? Il est le philosophe qui se sert du doute pour construire toutesa pensée philosophique : l’exigence de la tabula rasa répond bien entendu à cette logique.
Mais le meilleursymbole de la place du doute dans la pensée cartésienne est son célèbre cogito puisqueDescartes affirme en substance dans celui-ci : je doute de tout sauf dufait que je doute et la simple conscience de ce doute permet d’aboutir au « cogitoergo sum », le « je pense donc je suis ».
Enappliquant ce raisonnement à la problématique des théories du complot, onconstate donc que remettre en cause tout tout le temps ne peut aboutir qu’àanéantir ce doute. Il importe donc de se servir du doute pour exercer notreesprit critique et non pas l’ériger en idéologie dans la mesure où celle-ci nesaurait qu’aboutir au nihilisme ou s’anéantir elle-même.