« Dans les bras de sa mère, tout bébé est beau ». Cette citation de l’écrivain hongrois Erno Osva pourrait à elle seule résumer la beauté des sentiments liant chaque mère à son enfant. Mais a cela s’ajoute la version de Xavier dolan. Certes la relation mère-fils est belle mais elle pourrait atteindre son paroxysme quand la complexité de la vie s’y mêle. Le canadien le fait savoir, le déséquilibre familial est pour lui la clé de voute de ses films, et les mères des héroïnes silencieuses. Un amour pour ses femmes presque œdipien qui fascine. Pour incarner ces femmes de caractère, le réalisateur sait qu’une œuvre repose sur des bases solides et fait appel à ses muses Anne Dorval et Suzanne Clément, déjà présentes dans ses films précédents.
Si Anne Dorval interprète à merveille le rôle de la mère aux allures d’adolescente par son style vestimentaire et son langage rythmé par les insultes, Suzanne Clément n’en reste pas moins complexe dans la peau d’une ancienne prof bègue terrorisé par les interactions sociales. Ajoutez à cela Antoine Olivier Pilon aussi attachant que déroutant dans le rôle du fils bipolaire aux accès de colère intempestifs, et on obtient un trio d’acteurs déjà culte faisant du quotidien une histoire extraordinaire pleine de sentiments et des ténèbres.
L’éveil des sens
A 25 ans, Xavier Dolan bénéficie déjà une maturité exceptionnelle dans le scénario certes mais aussi à l’image. En vrai esthète, le jeune réalisateur montre sa palette technique en enchainant les effets via les filtres, les ralentis et le choix du format 1 :1.
C’est ce dernier qui donne une place privilégiée aux spectateurs en les immergeant dès les premiers instants dans l’intimité des personnages mais qui dans un même temps enferme les personnages dans leur cercle social restreint. Une proximité réelle et nécessaire permettant d’apprécier autant leur humour, leur tristesse ou leur violence.
Des choix efficaces et pleins de sens reflétant les émotions des protagonistes et leur soif de liberté. Mais l’image ne serait pas aussi intéressante ni elle n’était pas accompagnée par des choix musicaux aussi important que structurés. Alors que la technique dans l’image est très sophistiquée, la bande originale elle est connue du grand public, devenant presque oxymorique.
Plein de malice, les titres de Lana Del Rey, d’Oasis, de Céline Dion ou d’Andrea Bocceli, calquent à la perfection, dans les sonorités comme dans les paroles, avec les sensations des protagonistes et celles des spectateurs.
Le déséquilibre fascine
Xavier Dolan est un homme libre. Loin des conventions cinématographiques, le réalisateur alterne entre le style dramatique, la comédie, le film d’auteur et le film grand public. Ce jonglage des genres tenant en haleine chaque spectateur les plonge dans une schizophrénie entre joie, colère, incompréhension et attachement. Un mélange surprenant qui ne laisse pas indifférent pendant et plusieurs heures après le visionnage du film. Un vrai tour de force renvoyant chacun dans son quotidien par les attitudes vis a vis du monde et dans la complexité du quotidien.
C’est la nature des hommes qui est représentée, autant dans leur affrontement que dans leur solidarité. Alors est ce possible de lutter contre le propre reflet de notre âme ? On ne peut pas et on ne le veut certainement pas et ca Xavier Dolan l’a compris en signant ce qui sera un classique du Cinéma. Les sentimentalistes comme lui ont souvent exposé le « beau » mais la où lui se démarque c est dans la façon de l’exprimer en le faisant contraster avec nos sentiments noirs les plus profonds. Comme l’amour réciproque d’une mère pour son fils est similaire aux montagnes russes d’un parc d’attraction, Xavier Dolan démontre encore une fois que si l’amour ou l’amitié est si belle c’est justement car elle n’est pas linéaire.
« mommy » aurait pu être un film banal exposant l’histoire sur quelques mois de trois personnages faisant face au tourbillon de la vie, mais il en est tout autre. Ce film rend fort et remplit d’espoir chacun face à ses propres démons. Dans ce cas, une ode à toutes les mères par leur dévotion et l’invincibilté de leur amour comme le définissait Rabindranath Tagore avec sa formule « Je ne l’aime pas parce qu’il est bon, mais parce qu’il est mon petit enfant ».