Il y a encore quelques semaines, Sofia Taloni, une influenceuse trans de nationalité marocaine vivant en Turquie, possédait un compte Instagram certifié suivi par plus de 600 000 personnes. Véritable star des réseaux sociaux au Maghreb, elle a récemment profité de sa notoriété pour lancer une campagne d'appel public au lynchage et à la dénonciation d'homosexuels marocains, avec l'aide de ses très nombreux fans.

Au royaume du Maroc, pays où la population est majoritairement musulmane, l'homosexualité est un toujours un crime. Selon l'article 489 du Code pénal marocain, elle est punie d'une peine de prison ferme de 6 mois à 3 ans et d'une amende de 120 à 1 200 dirhams (11,25 à 112,51 euros).

'Vous allez brûler en enfer'

Au mois d'avril dernier, Sofia Taloni a subitement commencé à s'acharner contre la communauté LGBT marocaine, qui vit dans la clandestinité par peur des représailles de la part des autorités policières et judiciaires, par le biais de lives particulièrement haineux et d'une rare vulgarité. Ciblant plus spécialement les hommes homosexuels, elle a mis en place un véritable réseau, avec l'aide de ses très nombreux abonnés sur Instagram, visant à les outer publiquement et les localiser géographiquement.

Rappelant que le Maroc est un pays musulman, où l'homosexualité est incompatible avec la religion, elle est très souvent martelée en s'adressant aux homosexuels : 'Vous allez brûler en enfer', avait par exemple déclaré Sofia Taloni dans un live. Dans un live du 13 avril dernier, elle a incité ses followers à créer de faux comptes sur trois applications de rencontres gays - Grindr, Hornet et Planet Romeo - afin de piéger les homosexuels et de pouvoir dévoiler publiquement leur noms, photos et adresses sur plusieurs réseaux sociaux, pour "démasquer son voisin, cousin, mari, frère ou père… gay, derrière les muscles et la barbe".

Une véritable chasse aux homosexuels

Alors que le royaume chérifien était en plein confinement en raison de la pandémie de Covid-19, de nombreux homosexuels marocains ont été victimes de sa campagne de délation.

Certains d'entre eux ont été arrêtés par la police et présentés à la justice. Le 17 avril, un jeune homosexuel de 21 ans, confiné avec sa famille à Rabat, s'est suicidé en constatant que ses photos et ses informations personnelles avaient été diffusées sur les réseaux sociaux. Une information tragique confirmée par un journaliste qui a travaillé pour le magazine gay "Têtu", entres autres.

Sofia Taloni a fait régner la terreur au sein de la communauté LGBT marocaine.

Ses motivations restent encore très floues. Quel était son intérêt à se lancer dans une telle action visant les membres de sa propre communauté ? Pourquoi tant de haine à l'encontre des homosexuels de son pays ?

Un mea-culpa

Ce mercredi 13 mai, Sofia Taloni s'est excusée, dans une réponse écrite envoyée à l'agence de presse britannique Reuters, d'avoir "encouragé ses followers à utiliser des applications de rencontres qui ont été utilisées pour localiser et lyncher publiquement des homosexuels". Toute honte bue, elle a également prétendu que son but était "de montrer combien de personnes étaient homosexuelles au Maroc" et à "humaniser'" l'homosexualité. Un mea-culpa pour des actes d'une rare lâcheté qui ont semé la désolation et la terreur au sein d'une communauté particulièrement stigmatisée dans ce pays conservateur du Maghreb.

Instagram a pris les mesures qui s'imposaient : le compte certifié de Sofia Taloni a été suspendu. Elle a perdu ses 600 000 abonnés. Son mea-culpa ne lui permettra certainement pas de pouvoir le récupérer, si tel était son véritable but.