En Côte d’ivoire, sur la scène politique nationale, les jours passent et ne se ressemblent pas. Chaque jour apporte son lot de découvertes et de soubresauts. C'était bien le cas de ce dimanche 24 novembre 2019, où l’histoire politique du pays vient de s’enrichir d’un nouvel épisode : les retrouvailles entre Monsieur Kigbafori Guillaume Soro, ancien président de l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire et Monsieur Charles Blé Goudé, leader du COJEP (le Congrès panafricain des jeunes et des patriotes). Et pour être un événement insolite et une surprise, cette rencontre entre ces deux hommes politiques ivoiriens en est un, au vu des rôles qui étaient les leurs au cours de la crise ivoirienne.

En effet, pendant cette crise, chacun a pu remarquer que les deux personnalités étaient aux antipodes l’une de l’autre. Leurs positions étaient tranchées et inconciliables. C’est pourquoi, en apprenant la nouvelle de leur rencontre à la Haye, les sentiments qui partagés dans la population ivoirienne étaient ceux de l’étonnement, du doute, du scepticisme, du questionnement et même de la suspicion. Certains voudront mettre cet événement sur le compte d’une mise en scène pour un Guillaume Soro, candidat à l’élection présidentielle de 2020, en campagne dans l’espoir de ratisser large dans la population. D’autres y verront un acte sincère visant la paix et la réconciliation nationale. Mais quoi qu’il en soit, cet événement vient nous rappeler l’histoire de deux personnalités que tout unit et oppose en même temps.

Deux personnalités que tout unit et oppose en même temps

Les deux hommes sont nés dans les années 1990. Ils sont de la même promotion à l’université où ils militent activement au sein de la FESCI (Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire). D’ailleurs, l’un et l’autre occuperont la tête du mouvement par la tenue du poste de Secrétariat Général.

Amis et complices au départ, leur relation va se déliter rapidement pour s’embraser définitivement. Cette déliquescence de leur relation s’explique par leurs choix politiques. Si Charles Blé Goudé choisit de militer au sein du Front Populaire ivoirien (FPI) en se mettant ainsi au service de son leader, Laurent Gbagbo, Guillaume Soro, de son côté, choisira de se mettre au service du Rassemblement des Républicains (RDR), au service du leader du RDR, Alassane Ouattara.

Les désaccords entre les anciens amis vont alors s’accroître. Les divergences politiques exacerberont les tensions entre eux. Remarquons qu’au départ, les dissensions politiques entre les deux hommes seront sournoises, comme c’est le cas au sein de toutes les classes politiques. Elles se manifesteront au grand jour, au cours du conflit militaro-civil qui a ravagé le pays pendant une décennie.

Survint la crise ivoirienne de 2002 avec une rébellion armée qui a placé Guillaume Soro à sa tête. Charles Blé Goudé découvre alors que son ami Guillaume Soro cachait au fond de lui un plaisir illégal : la rébellion contre les institutions républicaines. Pour contrer son ancien ami, Guillaume Soro désormais à la tête d’une rébellion armée, Charles Blé Goudé prend la tête des Jeunes Patriotes.

La lutte entre les deux hommes atteint son comble et cette situation devient comparable à celle des tragédies grecques. Dans une crise militaro-civile qui a vite tourné à l’affrontement politique entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, les relations entre leurs partisans ne pouvaient qu’en pâtir. Tel fut le cas des relations entre Guillaume Soro et Charles Blé Goudé. En mars 2011, la crise Ivoirienne s’achève dans un véritable bain de sang après une crise post-électorale. Quelques mois après, Charles Blé Goudé sera emprisonné à la Haye, où l’a précédé son leader Laurent Gbagbo. Acquitté récemment, de même que son mentor, il continue de résider à la Haye à défaut d’un pays d’accueil. Et c’est là, à la Haye, que contre toute attente, il reçoit la visite de Guillaume Soro, signe que la Côte d’ivoire veut cesser les conflits et que le temps des hostilités est derrière le pays.

Une rencontre traduisant un dégoût des conflits de la part des Ivoiriens

Depuis un moment, les Ivoiriens qui ont durement vécu les effets néfastes de ce conflit militaro-civil en appellent à la paix. Ils joignent la parole à l’acte. Ainsi, concernant la société civile, plusieurs associations de jeunes et des associations de femmes circulent le pays pour demander au peuple de faire la paix. Dans cet élan patriotique, la chefferie traditionnelle n’est pas en reste. Elle rappelle sans cesse aux populations les principes africains de solidarité, d’amitié, de fraternité, de paix. Par ailleurs, les alliances entre groupes ethniques sont ravivées. Elles s’étaient réduites comme peau de chagrin pendant la crise.

Aujourd’hui, des efforts sont accomplis en vue de leur renaissance. Dans tout le pays, des actions en faveur de la paix sont entreprises. Des concerts musicaux sont donnés par différents artistes du pays. Autre signe de recherche ardente de la paix, des réfugiés, mais aussi des déplacés de guerre dans les pays limitrophes retournent au pays, ils veulent prendre part à la réconciliation nationale. Dans la même perspective, les croyants ne sont pas en reste. Dans les églises, mosquées et autres lieux de prière, des célébrations en faveur de la paix sont dites.

Au niveau de l’État Ivoirien, des actions sont entreprises en vue de l’indemnisation des victimes du conflit. C’est dans cette perspective que le ministère de la solidarité et de la cohésion sociale sillonne le pays pour soulager les victimes de guerre.

Régulièrement, l’État de Côte d’Ivoire appelle au retour au pays natal, les réfugiés et déplacés de guerre qui hésitent encore à retourner au pays. Avec cette visite de Guillaume Soro à Charles Blé Goudé, on peut dire sans se tromper que les aspirations à la paix du peuple ivoirien ont certainement eu un impact sur les principaux acteurs de la crise ivoirienne. Et si ces principaux acteurs de la crise ivoirienne entrent dans la danse de la réconciliation nationale, c’est dire que réellement que la Côte d’Ivoire est de retour.