Hier soir, la sensation de l'année 2016 jul remporte sans véritable surprise le prix du meilleur album de Musique urbaine aux 32eme Victoires de la musique.
Il suffit de justifier d'un minimum de culture musicale un tant soit peu éclectique pour constater la détresse des organisateurs des Victoires de la musique lorsqu'il s'agit de mettre en place leurs catégories de récompenses. Distinguer l'artiste masculin et féminin, le meilleur clip, la meilleure chanson ou le meilleur concert, en voilà une tâche concrète et donc aisée. Cependant, les choses se compliquent lorsqu'il s'agit de catégoriser l'artiste urbain de l'année.
D'où sort cette catégorie?
La catégorie "meilleur album de musique urbaine" a été instaurée en 2007 par le conseil d'administration des Victoire de la musique. Avant celle-ci, on retrouvait pratiquement chaque année une dénomination différente pour récompenser les artistes de cette catégorie. 1999, "album rap ou groove de l'année". 2000 et 2001, "album rap, reggae ou groove de l'année". De 2002 à 2004, "album rap, hip-hop de l'année". On est même passé, en 2002, par "l'album reggae, ragga de l'année".
Et puis, vers le milieu de la décennie précédente, l'expression "musique urbaine" fait son apparition. Sortant quelque peu de nulle part, englobant initialement hip-hop et Rn'b, la musique urbaine rentre dans le langage courant et permet aux non-initiés de catégoriser une certaine forme de musique difficilement catégorisable.
Quelques années plus tôt, on observa un précédent troublant de similitude. Je parle ici de l'expression "musique alternative". Ni tout à fait du rock ou de la pop, ni tout à fait de l'électro ou du jazz, la musique alternative tord VOLONTAIREMENT les codes traditionnels pour réinventer un genre. J'insiste bien sur le terme "volontaire" pour la bonne et simple raison que l'artiste, dit alternatif, choisit de s'affranchir de toutes règles et conventions dans son processus créatif.
Ce n'est pas forcément le cas des artistes qui se retrouvent catégorisés dans la musique urbaine. Un rappeur ou un chanteur de Rn'b, par exemple, respecte une sorte de cahier des charges imposé par leur style musical respectif. Leur processus créatif à eux suit un ensemble de règles, contrairement à celui des artistes alternatifs.
Cela veut-il dire que les artistes hip-hop ou les rappeurs ont moins de talent? Certainement pas. Ces derniers se revendiquent d'un genre musical bien précis et souhaitent être reconnus comme tels.
Musique urbaine, un non-sens?
Et c'est sur ce point que je veux en venir. La classification "musique urbaine" n'a, à mon avis, strictement aucun sens et, plus grave encore, elle se veut extrêmement réductrice des genres qui la composent. Rap, Rn'b, hip-hop, afro trap... Autant de styles musicaux se côtoyant sans aucunes distinctions, annihilant ainsi toutes les particularités et subtilités qui les définissent.
« (La musique urbaine, ndla) C’est un genre musical, l’un des plus dynamique d’ailleurs, à part entière qui se doit d’être représenté" , nous disait en 2014 Christophe Palatre, président de l'association des Victoires de la musique de l'époque.
Non Monsieur Palatre, la musique urbaine n'est pas un "genre musical", c'est simplement une classification fourre-tout dans laquelle on balance les artistes qui ne répondent pas aux canons traditionnels tels que le ministère de la Culture les conçoit. Conséquence cette année: nous retrouvons Kool Shen nommé face à Jul.
Quelque soit notre préférence pour l'un ou pour l'autre, il est simplement aberrant de retrouver ces deux artistes en compétition. La musique classique et le jazz bénéficient chaque année d'une cérémonie. Pourquoi cette logique ne s'appliquerait-elle pas pour la musique électro ou le rap par exemple. La France possède dans ce domaine un vivier de talents assez exceptionnel. Jusqu'à quand continuera-t-on à considérer des styles musicaux, fédérant des millions de fans à travers le monde depuis des décennies, comme mineurs ou peu fédérateurs ?