Il ne s’agit que de la Ligue des Nations. Cette maxime sonne comme une rengaine depuis la création de cette compétition. L’approche de la Coupe du monde oblige pourtant chaque nation à prendre quelques derniers repères et un peu de confiance. Une défaite face à l’Espagne pour le Portugal, quelle que soit la compétition, ne peut être qu’une déception, d’autant plus que l’Euro fut aussi un échec pour les Lusitaniens.
Les journaux portugais sont d’ailleurs dans la même mouvance. A bola se contente de titrer « Cruel » comme pour déplorer une énième déception.
O Jogo ironise avec sa une « Final Four por um canudo » en référence à l’expression « Braga por um canudo », lieu du match d’hier. Une expression tournant autour de la déception et de la frustration d’être si proche de Braga, mais de ne la voir que par le télescope situé à Bom Jesus : si proche mais pourtant si loin du Final Four. Record se contente d’un « Perdido » signifiant perdu. Perdu comme le match, mais sans doute perdu pour de bien autres raisons.
Ronaldo pointé du doigt…
Des fautifs sont-ils pointés du doigt ? Oui, des fautifs, ou plutôt un fautif. Il suffit de constater la photo prise comme une par les trois journaux sportifs avec un Ronaldo seul, déplorant la défaite. Après le match face à la République Tchèque, A bola avait déjà titré « Menos Ronaldo Mais Portugal », « Moins de Ronaldo Plus de Portugal », comme pour questionner la légitimité de sa titularisation (chiffres à l’appui) dans le projet du Portugal avec la Coupe du Monde à l’horizon.
Cristiano Ronaldo est le type de joueur qui cristallise tout, pour les bonnes raisons comme pour les mauvaises. Son été, marqué par les innombrables faux départs de Manchester United, a écorné son début de saison. Le retour en sélection semblait alors ressembler à un bol d’air, comme en témoignait son post sur les réseaux dès son arrivée.
…mais Fernando Santos ?
Le bol d’air ne s’est donc pas passé comme prévu. Pour autant, son match face à l’Espagne n’a pas été si mauvais, entre diverses opportunités de marquer et quelques maladresses dans certaines combinaisons. Ronaldo pointé du doigt, c’est presque oublier l’autre homme dont le nom est dans toutes les bouches après chaque échec de la Seleção : Fernando Santos.
Le totem d’immunité de l’Euro 2016 s’amenuise de jour en jour et la sentence semblait irrévocable après l’Euro 2020 et une élimination prématurée. Malgré la parenthèse de la victoire en Ligue des Nations lors de la toute première édition, la tête de Fernando Santos semblait devoir être présentée au peuple. Pourtant, ce ne fut pas le cas à la grande déception globale des supporters. Il sera bien l’homme qui portera la sélection au Qatar.
Les mots ne sont pourtant pas très tendres lorsqu’il s’agit de prendre le pouls de la cote de popularité de « l’ingénieur » auprès des supporters portugais. Les sons de cloche tournent autour d’un manque de projet de jeu, d’un jeu ennuyeux et d’un manque d’ambition à s’entêter dans un pragmatisme pour garder un score (comme en 2016).
Ce style est-il adapté aux joueurs et à l’identité historique de la Seleção ? Quelle que soit la réponse, cela ne fonctionne pas comme en témoignent ce match et le dernier des qualifications pour le mondial avec un but encaissé en fin de match face à la Serbie pour ne prendre que les exemples les plus récents. Il y a aussi le sentiment que le sélectionneur gâche une génération dorée, si ce n’est la meilleure de l’histoire avec des joueurs qui brillent chaque semaine dans les plus grands championnats.
Interrogé sur la question d’une possible démission, le pragmatique Fernando Santos sur le terrain l’est aussi en conférence de presse en rappelant qu’il a un contrat jusqu’en 2024. La presse espagnole s’est même emparée ironiquement du désamour du sélectionneur.
Marca publie dans une chronique humoristique : « Fernando Santos est un drame pour le Portugal. […] L’équipe portugaise a plus de joueurs que d’entraîneur, un entraîneur qui est l’histoire de son pays pour l’Euro 2016 mais qui est maintenant un handicap aux portes de la Coupe du Monde. »
Un manque d’ambition ?
Si le sélectionneur est critiqué pour un manque d’ambition dans le jeu, cela se fait aussi ressentir côté joueurs. Chaque conférence de presse semble se ressembler du côté du coach comme des joueurs. Un aspect qui agace fortement et qui revient à chaque fois, avec des discours qui mettent sous le tapis le présent et parlent du futur. C’était le cas après l’élimination à l’Euro face à la Belgique où le coach avait déjà parlé du Qatar, alors que les qualifications n’étaient même pas jouées.
Rúben Dias déplore que « le poids [de la désillusion] est toujours grand […] mais que le Football est ainsi, il faut aller de l’avant. » Même son de cloche pour João Mário qui commente que ce match est une bonne préparation dans l’optique du mondial.
À trop parler du futur en permanence, il ne faudrait tout de même pas oublier le présent et la Coupe du Monde qui approche. En cas d’échec, Fernando Santos se tournera sans doute vers l’Euro 2024… en tant que spectateur ou à la tête d’une autre sélection, mais sûrement pas de la Seleção...