Ce lundi 27 février, à deux jours d'une importante tournée diplomatique au Gabon, en Angola, en République du Congo (Brazzaville) et en République démocratique du Congo (RDC) qui commence ce mercredi 1er mars, le président Emmanuel Macron a évoqué, lors d'un allocution sur le partenariat France – Afrique, ce qui est communément appelé l’affaire Bouraoui et son impact négatif sur les relations entre la France et l'Algérie.

À l’origine de cette tension, l’arrivée en France de l’activiste franco-algérienne Amira Bouraoui qui a réussi à embarquer lundi 6 février sur un vol pour Lyon à partir de Tunis après avoir auparavant, très discrètement franchi les frontières entre la Tunisie et l'Algérie, alors qu’elle faisait l’objet d’une interdiction de sortie du territoire algérien.

La présidence tunisienne contactée par l'Ambassade de France à Tunis avait finalement accepté de ne pas extrader l'activiste vers l’Algérie. Alger avait alors vivement réagi contre ce qu’elle qualifie "une exfiltration illégale" de l’opposante de Tunis vers la France par les services diplomatiques français.

Des relations mises à mal

Cet incident diplomatique a ravivé les tensions entre les deux pays, alors que les relations semblaient se réchauffer après les récents déplacements à Alger du président français Emmanuel Macron en août dernier puis au cours du mois d’octobre, de la première ministre française Elisabeth Borne accompagnée d'ailleurs d’une quinzaine de ministres.

En réalité, une longue tradition de relations en dents de scie entre Alger et Paris faites de chaud et de froid a toujours prévalu entre les deux pays.

Amira Bouraoui est une figure connue "du mouvement Hirak" qui a abouti à la chute du président Bouteflika. Amira Bouraoui est âgée de 46 ans, médecin de formation, activiste et journaliste. Elle avait été emprisonnée en 2020 puis libérée et finalement condamnée, à deux ans de prison ferme, peine qu'elle doit purger pour "offense à l'islam" et "atteinte à la personne du président de la République".

Une affaire triangulaire

Amira Bouraoui avait ainsi trouvé refuge en Tunisie, d'où elle a tenté de prendre un avion pour la France. Elle a été retenue par la justice tunisienne dans un premier temps, mais les services consulaires français ont fini par lui permettre d’embarquer vers Lyon. Pour l'activiste, il fallait choisir pour échapper à la prison algérienne.

Concrètement, les autorités algériennes voient "leur échapper une militante emblématique", avec l'accord de la Tunisie. Sur le plan régional, les regards sont braqués actuellement sur les retombées de cet incident sur la relation entre les deux pays voisins. Depuis l'arrivée au pouvoir du président Kaïs Saïed en 2019, Alger s’est montré généreux envers son voisin tunisien. 200 millions de dollars de prêt avec un faible taux d'intérêt accompagné d'un don de 100 millions de dollars annoncés au cours du mois de décembre 2022, s'ajoutent à un autre prêt de 300 millions de dollars en décembre 2021. Le 22 décembre dernier, le président Tebboune avait déclaré que son pays ne laisserait pas tomber la Tunisie en pleine crise économique.

Le ministre des Affaires étrangères tunisien démis de ses fonctions

Encore, le jour même de l'embarquement de l'activiste Amira Bouraoui de l'aéroport de Tunis-Carthage vers Lyon le lundi 6 février, le Président tunisien Kais Saied limogeait son ministre des Affaires étrangères. En effet, c'est par un court communiqué que la présidence tunisienne annonçait le soir du 7 février que le ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens de l'étranger, Othman Jerandi, a été démis de ses fonctions. Rien ne prouve, toutefois jusqu'à présent, que ce dossier franco-algérien soit la principale raison du départ du ministre tunisien, en poste depuis août 2020.

Il n’en demeure pas moins que cette affaire a indéniablement provoqué des dégâts considérables entre Paris et Alger.

Trois semaines après le rappel de l’ambassadeur algérien à Paris, Saïd Moussi, "pour consultations", les voies officielles de communication entre responsables algériens et français sont encore pratiquement suspendus. Pour le moment, le Quai d'Orsay a affirmé la volonté de la France de continuer à "approfondir" les relations bilatérales malgré cet incident diplomatique.

Le Président Emmanuel Macron a également dit vouloir marcher de l'avant et dépasser cet obstacle. Il a également dénoncé ce lundi 27 février ceux en Algérie qui ont des intérêts à nuire aux relations des deux pays.