Paris, à la Porte d'Orléans, il est 18h. Une marée de cinquante voitures accélère, libérée par le feu vert. Le chaud mélange de kérosène et de fumée qui s'exhale de la cohue quotidienne, je l'ai respiré chaque fois que j'enfourchais mon vélo pour aller à l'Université.
Personne ne m'oblige me direz-vous. Sauf qu'entre les aléas de la RATP, le prix d'un scooter et la flexibilité d'un vélo, j'ai trouvé le choix assez simple.
En septembre 2012, après mes études, j'ai quitté La-Plus-Belle-Ville-du-Monde et son enfer automobile pour découvrir Lübeck, une petite ville d'Allemagne du nord.
J'y ai apprécié ses multitudes de bières, de saucisses, de folklore... et de pistes cyclables. C'est que les allemands considèrent le vélo comme un moyen de transport sérieux. Mais au delà, j'ai été surpris de découvrir en Allemagne une façon aussi différente de penser les déplacements en ville. Sur mon fidèle biclou, je me suis retrouvé au milieu des milles codes de la circulation en Allemagne.
Zones interdites aux voitures et kilomètres de piste cyclable
Pour le cycliste qui commence à pédaler en germanie, il constate immédiatement qu'il n'est plus cet animal un peu marginal qui renifle des pots d'échappement et évite milles obstacles pour se rendre au travail. Certes, je ne peux pas comparer la circulation de Lübeck, 200 000 habitants, ou même de Berlin, quatre millions, au trafic de l'agglomération parisienne et ses 12 millions de conducteurs potentiels.
Mais le trajet ne tourne plus au cauchemar: perché sur son vélo et réconforté par la présence de nombreux semblables, le cycliste alterne entre des zones interdites aux voitures et des kilomètres de pistes cyclables dégagées.
Le secret de la réussite allemande
Ironie de l'histoire, beaucoup de villes allemandes ont été reconstruites, après la Seconde Guerre Mondiale, dans l'idée d'accueillir le maximum de voitures dans de larges avenues.
Aujourd'hui, celles-ci sont parfaites pour accueillir des pistes cyclables, placées entre le trottoir et la route. L'existence des infrastructures n'entraîne pourtant pas automatiquement un usage réussi. À Paris, les pistes cyclables sont bien là, mais encombrées de taxis, de piétons ou même de marchés.
Alors quel est le secret de la réussite allemande?
Un succès d'autant plus étonnant dans un pays temple de la culture automobile: l'Allemagne des Audi, des Mercedes et des autoroutes sans limitation de vitesse.
L'ingrédient majeur à mes yeux est que les Allemands sont des usagers disciplinés. Les conducteurs semblent engager dans une compétition pour décrocher le droit d'écrire le futur code de la route. Il n'est pas impossible que le propriétaire d'une Audi sport au moteur ronflant indique avec révérence à un cycliste qu'il a la priorité.
Big brother plane sur le bitume allemand
Mieux (ou pire c'est selon) chacun veille sur tout le monde. Griller un feu rouge, même pour un piéton, est très mal vu. Dans le meilleur des cas, vous vous exposez au regard glacial du petit vieux qui patiente sur le trottoir d'en face.
Au pire, la mère de famille veillant sur ses têtes blondes déversera sur vous un flot de remarques acerbes. Big Brother plane sur le bitume allemand et de cette discipline, notre tempérament français s'accommode mal. En Allemagne, mes virées à vélo étaient devenues plus agréables et moins stressantes, mais aussi plus réglementées.
La pollution à Paris, l'ennui en Allemagne. Jamais content me direz-vous! Pas vraiment, je continue de rouler avec plaisir. Certes , je suis adepte du vélo dans un pays, la France, qui n'aime pas les cyclistes urbains. C'est l'inverse de l'autre côté du Rhin mais la culture allemande, plus axée sur la discipline, n'est pas la mienne.
Pourtant, ces deux expériences peuvent se nourrirent l'une de l'autre.
Comme en France, une ville sans trop de rigidité, où être responsable ne fait pas de chacun de nous un policier. Comme en Allemagne, une ville largement libérée de la voiture, avec une véritable culture vélo. Cella la même que la mairie de Paris veut maintenant promouvoir. Affaire à suivre!