François de Rugy, Jean-Luc Bennahmias, Manuel Valls, Sylvia Pinel, Vincent Peillon, Arnaud Montebourg ainsi que Benoît Hamon n'ont plus que ces deux heures et demi pour convaincre les téléspectateurs qui se reconnaissent dans les valeurs de la gauche. Le premier tour aura lieu dimanche, c'est-à-dire dans seulement 3 jours. Ce débat aura lieu sur France 2, et les journalistes David Pujadas et Léa Salamé vont pouvoir souligner les difficultés que rencontreront chacun dans l'application de leur projet, avec une séquence entière intitulée : chiffrage.

En ligne de mire, pour les adversaires de Benoît Hamon et Jean-Luc Bennahmias : le revenu universel, dont chacun s'accorde à dire qu'il sera bien trop coûteux pour l'Etat, et qu'il aura pour effet pervers d'inciter la population à ne plus travailler. Comment financer une mesure évaluée à 450 milliards d'euros ? Ils auront l'occasion de défendre ces questions.

Froid

Les journalistes évoquent les morts, tués dehors par le froid. Chacun peut-il assurer qu'il y aura 0 SDF à la fin de son mandat ? Sylvia Pinel déplore que l'on en parle seulement en hiver et appelle à l'action solidaire de la part des citoyens. L'hébergement d'urgence ne peut suffire. Arnaud Montebourg, lui, affirme que l'hébergement pour chacun est possible, et qu'il a bien commencé à travers ce quinquennat.

Il regrette que les Français se paupérisent et que le nombre de SDF croisse. Vincent Peillon pointe les inégalités palpables en France, ainsi que les mauvais comportements (visant m. Dassault) : nous avons les moyens de faire davantage pour ceux qui ont moins. Benoît Hamon n'est pas catégorique sur cette question, sachant que l'engagement est difficile à prendre : il faut en tout cas améliorer la prise en charge des sans-abris, en construisant davantage de logements sociaux et en individualisant la réponse face à ce problème.

Manuel Valls souligne également les efforts produits par l'Etat en matière d'hébergement d'urgence des SDF, surtout par grand froid, et dénonce l'inégale répartition des richesses dans le monde à travers l'exemple des 8 milliardaires dans le monde qui disposent autant que la moitié de la population mondiale. Jean-Luc Bennahmias, lui, prend l'engagement d'améliorer les services du SAMU social en leur donnant plus de moyens.

Les associations caritatives doivent elles aussi avoir plus de moyens. François de Rugy parle de réalités humaines diverses, et de difficultés à prendre des engagements chocs : ce qui est fait aujourd'hui est insuffisant, il faut aller plus loin. Une loi doit obliger les communes à construire un quota de logements sociaux.

Protection sociale et assurance maladie

Chacun pourra-t-il être remboursé à 100% ? Vincent Peillon nuance : la situation de la médecine est très difficile. Il faut lutter, d'abord, contre les déserts médicaux. Il en profite pour rappeler la qualité du personnel de l'hôpital. Ce personnel doit avoir les moyens pour mieux travailler. En ce qui concerne les remboursements, il faut une complémentaire santé publique, selon Vincent Peillon.

En même temps, il faut faire en sorte que l'ophtalmologie et l'audition soient des soins de mieux en mieux remboursés. Arnaud Montebourg est pour une mutuelle publique à 10€ par mois. François de Rugy s'oppose à toute augmentation des dépenses publiques : il défend le système français mixte, avec l'assurance maladie, et des mutuelles à but non lucratif. Sylvia Pinel veut que l'on maîtrise les dépenses de santé, que l'on contrôle et que l'on améliore notre système de soins. De plus, les Français doivent toujours avoir un accès au soin de qualité. Il ne faut pas de franchise, et donc pouvoir être remboursé à 100%. Jean-Luc Bennahmias veut faire payer davantage les laboratoires. La base de remboursement est le générique, pour le reste, il défend le système mutualiste : des mutuelles privées peuvent exister, sans menacer l'équilibre entre assurance maladie et mutuelle.

Manuel Valls veut arriver au tarif unique chez le médecin. Il faut sauvegarder la sécurité sociale, en finir avec le numerus clausus car nous sommes en manque de médecins. Il souhaite également supprimer le ticket modérateur. Il ne veut pas pour autant mettre en cause la médecine libérale. Benoît Hamon, lui, veut supprimer le conventionnement aux médecins qui veulent s'installer dans des zones où se trouvent déjà trop de médecins. C'est une manière de lutter contre les déserts médicaux. Il faut augmenter les remboursements, et négocier des prix abordables pour la mise sur le marché des médicaments innovants. Pour favoriser la prévention, il souhaite également mettre hors-la-loi l'utilisation des perturbateurs endocriniens dans certains aliments.

Chiffrage

La dette publique est de 2200 milliards d'euros. Comment engager des dépenses importantes, avec cela ?

  • Sylvia Pinel : elle est pour le sérieux budgétaire, et critique les grandes promesses qui ne feront qu'augmenter les dépenses publiques. Il faut rester sérieux. Pour relancer la croissance, il faut soutenir les entreprises pour qu'elles puissent créer de l'emploi, mais de manière différente que le CICE. Il faut inciter au recrutement en CDI. Il faut baisser à 20% l'impôt sur les sociétés.
  • Benoît Hamon : les banquiers, nous pouvons négocier avec eux, la planète, non. Il faut mutualiser la dette européenne pour mieux s'en débarrasser. Il se défend des attaques de Vincent Peillon : cela libérerait 600 000 emplois étudiants et aiderait à éradiquer la pauvreté. Le revenu universel, dès 2018, doit être versé à tous les éligibles au RSA et aux 18-25 ans : 600€. Cette première étape coûtera seulement autant que le pacte de responsabilité et le CICE.
  • Vincent Peillon : il faut cesser de faire des promesses qui ne peuvent être tenues, et irréalisables (critique à Benoît Hamon). Il nous faut un accord avec les Allemands, une trajectoire de finance rigoureuse.
  • François de Rugy : il s'oppose à l'alourdissement des dépenses publiques. Il faut restructurer la dette, en annuler une partie, et avec l'accord de l'Europe. Tous les pays doivent être gagnants.
  • Manuel Valls : on peut financer nos priorités et en même temps faire baisser notre dette. Cela dépend de la croissance. On peut même envisager un revenu de base, mais sans aller jusqu'au revenu universel.
  • Arnaud Montebourg : la stratégie de finances est chiffrée, et donc elle est raisonnable, maîtrisée. Elle vise la baisse du chômage et l'augmentation de la croissance. De ce fait, la dette chuterait par ce moyen. D'ailleurs, il est même encouragé par le FMI et testé dans plusieurs pays. Arnaud Montebourg critique le coût du revenu universel : 300 milliards, l'équivalent du budget de l'Etat.
  • Jean-Luc Bennahmias : le revenu universel s'adresse à des gens qui ont déjà du travail, et qui doivent continuer à travailler. Il n'est pas une incitation à ne pas travailler.

Protectionnisme

Est-ce une méthode qui marche ?

  • Jean-Luc Bennahmias : l'Union Européenne doit avoir des protections européennes, et des frontières, ne serait-ce que par rapport au droit du travail.
  • Vincent Peillon : le protectionnisme est une erreur, sauf s'il s'exerce au niveau européen. Les PME n'arrivent pas à exporter, et il faut qu'elles y parviennent grâce à une modification du CICE. Il faut aider nos entreprises à aller à l'export. Il faut s'opposer également au CETA, qui va supprimer beaucoup d'emplois en Europe, et qui aura de graves conséquences environnementales.
  • Benoît Hamon : le besoin de protection se limite aux frontières de l'Europe. Il faut poser des écluses aux frontières de l'UE. Mais il ne faut pas non plus nous faire de la concurrence entre nous (critique à Arnaud Montebourg).
  • Arnaud Montebourg : il assume une préférence nationale française, sans que cela soit illégal au niveau européen. Les mesures de protection de nos intérêts économiques sont de bon sens. Il propose une stratégie de reconquête industrielle : les TPE-PME ont des projets, et il faut les financer grâce au CICE. On peut s'autoriser, parfois, si cela est nécessaire, des nationalisations, comme il en aurait été besoin sur les chantiers navals de Saint-Nazaire.
  • Manuel Valls : il faut protéger les intérêts économiques de l'Europe et taxer lourdement les importations qui violent nos règles environnementales et sociales.
  • Sylvia Pinel : comme pour Manuel Valls, on doit préférer les intérêts économiques européens.
  • François de Rugy : il n'est pas libre-échangiste, mais n'est pas pour autant favorable au protectionnisme. On ne reviendra pas en arrière sur le marché unique européen, parce que ce n'est pas dans notre intérêt. On peut valoriser nos potentiels et développer le produire en France, comme sur l'énergie : 100% d'électricité produite en France d'ici 2050, en totalité issue d'énergies renouvelables.

Carte blanche

  • Jean-Luc Bennahmias : l'UE telle qu'on la connaît n'existera plus si on continue comme cela. Le problème est que nos populations n'y croient plus, donc pour que nos populations y croient, il faut qu'un certain nombres de pays donnent un projet de renouvellement de l'UE. Il faut se mettre d'accord sur un salaire minimum, sur une sécurité sociale. L'UE est indispensable.
  • Manuel Valls : il propose un service civique obligatoire pour les jeunes, pendant 6 mois, pour s'engager dans des associations, dans la gendarmerie, dans des ONG. Le but est de permettre un brassage, un engagement.
  • François de Rugy : il prend un engagement sur un texte de loi qui légalisera l'euthanasie, un droit à mourir dignement. Pour contrer l'influence des lobbys, ce projet pourra être soumis à référendum.
  • Benoît Hamon : comme François de Rugy, il veut permettre à toutes les personnes prêtes à mourir de disposer de soins palliatifs, et que soit étendu le droit à mourir dans la dignité à ces personnes qui doivent pouvoir choisir le moment où elles décident de quitter la vie.
  • Vincent Peillon : il faut promouvoir la solidarité des générations. Pour cela, il propose la création d'un service public de maisons de retraite : 10 000 places par an. La transmission des patrimoines doit être transformée. On doit pouvoir donner plus jeune.
  • Arnaud Montebourg : il veut parler de quartiers populaires, et faire de la lutte contre les discriminations une cause nationale. Il défend la société du travail : chacun doit pouvoir vivre dignement de son propre travail.
  • Sylvia Pinel : elle veut parler des personnes en situation de handicap. Il faut relancer un nouveau plan pour l'autisme, qui serait doublé pour nous permettre d'avoir des structures d'accueil, d'accompagnement. De plus, il faut relancer des établissements, mais on ne pense pas assez à ceux qui accompagnent un proche en perte d'autonomie : pour que ces aidants puissent avoir droit au répit, on doit autoriser la construction d'accueils de jour.

Sécurité et lutte contre la délinquance

  • Benoît Hamon : il faut sortir de la culture de la détention. Il existe beaucoup d'autres possibilités que la prison. Il y a une surpopulation carcérale, et nous augmentons les places de prison. Cela ne règle pas pour autant la question de la surpopulation, et c'est dans les prisons que se forment les délinquants. Les peines de 6 mois doivent être des peines alternatives à l'emprisonnement.
  • Sylvia Pinel : il ne faut pas privilégier l'emprisonnement, mais plutôt les peines alternatives.
  • Manuel Valls : on ne doit pas renoncer à assurer la sécurité, pour rester crédibles. Il faut lutter contre la surpopulation carcérale en construisant de nouvelles places de prison : 16 000. Ce n'est pas contradictoire avec les peines alternatives.
  • Arnaud Montebourg : il est normal qu'un gouvernement mette en place des places de prison nécessaires. Dans le cadre du terrorisme, il nous faudra des dispositifs innovants et spéciaux.
  • Jean-Luc Bennahmias : la prison ne doit pas servir à remplacer l'hôpital psychiatrique. Il faut améliorer la vie du personnel pénitencier.
  • François de Rugy : assurer la sécurité est l'une des premières missions de l'Etat. Il faut assurer la précaution, la prévention et la protection.
  • Vincent Peillon : la justice est malmenée en France. Les prisons ne sont pas la solution, mais le budget de la justice française est inférieur de 50% à tous les autres pays européens : il faut donc renforcer ce budget. C'est ce que demandent les policiers et les gendarmes.

Parité hommes-femmes

François de Rugy propose un congé parental avant la naissance, pour qu'il y ait un temps de formation, et le partage des tâches doit être assuré.

Lorsque des femmes se sentent victimes d'une inégalité salariale, elles doivent pouvoir agir en justice. Sylvia Pinel veut prendre plusieurs mesures : l'égalité salariale doit être élargie à l'ensemble des entreprises, et on doit lutter contre les clichés qui durent depuis l'enfance. Pour aller vers l'égalité, il faut ouvrir la procréation médicalement assistée à toutes les femmes, sans condition. Faut-il rendre le congé paternité obligatoire ? Si on doit passer par la loi, on le fera. "Nous sommes un vieux pays de machos" lance Jean-Luc Bennahmias, qui regrette que nous sommes loin, au Parlement, de la parité, et plus particulièrement à l'Assemblée nationale. Il demande donc aux femmes de prendre le pouvoir, que ce soit dans les institutions comme dans les entreprises, et pour cela il faut que nous leur en donnions les moyens.

Il est pour une société de la responsabilité : la loi ne doit pas obliger cette parité.

Manuel Valls affirme que c'est un sujet difficile à appréhender, car même les responsables politiques ne donnent pas toujours le bon exemple en la matière. Dans le cadre de la première conférence de dialogue social, la question de l'égalité salariale doit être au coeur du débat. Le volontarisme sur cette question-là doit être encouragé. Sur la question de la violence faite aux femmes, la lutte contre le sexisme est une priorité nationale.

Benoît Hamon veut prioritairement lutter contre les violences faites aux femmes, contre le harcèlement. Ces femmes se sentent seules, et c'est pourquoi la grâce de Jacqueline Sauvage était importante à ses yeux.

Il en profite pour défendre les avancées de son cabinet et de celui de Vincent Peillon en la matière, à l'Education nationale.

International

Sur la Syrie : le temps est-il venu pour la France de reconsidérer sa position sur Bachar el-Assad ? Pour Arnaud Montebourg, il a une responsabilité écrasante dans le martyr qu'a connu son peuple, et il devra répondre de ses actes devant la justice internationale. La question va se poser entre les puissances, et de manière à équilibrer les minorités de Syrie. Benoît Hamon réaffirme qu'il n'y a pas de solution politique en Syrie avec Bachar el-Assad, bien qu'il nous faudra discuter avec lui. Il rappelle que s'est tenue à Paris cette semaine la conférence sur le Proche-Orient, qui a souligné l'importance de la solution à deux Etats : il faut reconnaître l'Etat de Palestine.

Pour Manuel Valls non plus, il n'y aura pas de solution durable en Syrie avec Bachar el-Assad. La France, sur les négociations diplomatiques à ce sujet, a un leadership à récupérer.

Sur Trump : Vincent Peillon ne veut pas faire la guerre aux Etats-Unis, et rappelle que les Américains sont nos alliés. Nous avons des intérêts à défendre, et la France doit se montrer ferme sur des sujets comme le respect de la COP21. Manuel Valls, lui, parle d'une déclaration de guerre de Trump à l'Europe, suite à ses récentes déclarations. C'est une injonction pour l'Europe à être forte et unie, et là aussi la France a un rôle à jouer. Pour Arnaud Montebourg, l'UE doit être capable de s'unir, et pour construire la riposte à des attaques extérieures, venant actuellement des Etats-Unis et de la Russie.

La France doit donc prendre ses responsabilités, en organisant une nouvelle défense européenne, à cause de la défection américaine de l'OTAN. D'après Benoît Hamon, il faut prendre très au sérieux les déclarations de Trump. Cela invite à ce que l'Europe renforce son projet de défense commune.

Stratégie de rassemblement

Concernant Emmanuel Macron : Benoît Hamon rappelle que le vainqueur des primaires aura une légitimité que Macron n'a pas, parce que des millions de personnes auront voté pour lui. Pour Arnaud Montebourg, il y a les sondages et il y a les suffrages. Dans un sondage, 1000 personnes répondent à des questions. Dans un suffrage, ce sont des millions de personnes qui désignent leur candidat favori. L'ancien ministre du redressement productif soulève des questions : qui est ce candidat soutenu par une partie de la gauche et une partie de la droite ? Qui est ce candidat qui porte des propositions de droite et des propositions de gauche ? François de Rugy, lui, regrette qu'il ne porte aucun projet écologique, ou du moins qu'il pense le nucléaire comme une énergie propre, qu'il faille conserver.

Conclusion

  • Sylvia Pinel : le changement pour les Français serait déjà d'élire une femme à la Présidence de la République. Nous ne devons pas regarder en arrière, nous devons aller de l'avant, regarder les choses en face. Nous devons préparer la construction d'un monde nouveau.
  • Manuel Valls : il veut incarner la refondation de l'Europe, une société du travail qui fasse confiance. Il ne faut pas opposer le coeur et la raison.
  • Benoît Hamon : il faut en finir avec la vieille politique, qui débouche sur les mêmes solutions qui ne marchent pas. Ce qui a échoué hier ne réussira pas demain, c'est pourquoi il faut un projet de long terme, celui d'une gauche qui s'assume, qui veut penser la conversion écologique de notre économie et embrasser ce que sera le travail demain. Il dit proposer une option, et pas une vérité, mais une option optimiste.
  • Arnaud Montebourg : "J'appartiens à cette gauche qui ne baisse pas les bras, qui n'est pas effrayée par elle-même." L'ancien ministre défend la société du travail, la feuille de paie, la feuille de soins, la quittance de loyer, le relevé de pension. Il affirme vouloir refonder une VIè République, qui fera du Président celui du lien retrouvé avec les Français.
  • Jean-Luc Bennahmias : il faut faire une grande alliance pour une majorité progressiste dans notre pays. Voter pour lui, c'est voter pour le revenu universel, pour la légalisation du cannabis, c'est en finir avec la monarchie républicaine, c'est voter contre la construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
  • Vincent Peillon : il faut être fiers d'être de gauche. Il faut dire la vérité sur l'Europe, être offensif, préparer l'avenir, être capable de mettre le travail au coeur de notre modèle économique.
  • François de Rugy : les électeurs sont libres de choisir le projet qui leur correspond le mieux, libres de choisir la rénovation, libres de choisir le sursaut. La rénovation de la gauche passe par la victoire d'un candidat qui ne soit pas nécessairement socialiste.