Par un froid glacial et humide, une cinquantaine d'immigrés attendent devant le centre humanitaire Paris-Nord. Les agents de sécurité, quelques bénévoles des associations Utopia 56, Unicité et Emmaüs sont présents. Roulés dans plusieurs couvertures, vestes salis et capuches, ils sont abattus entre les grilles de sécurisation posées là pour délimiter la ligne de la file d'attente où ils sont tenus de patienter. Autour du centre, plusieurs groupes forment des cercles essaimés selon le mobilier urbain. Les premiers accueillants travaillent respectivement pour Utopia 56 et Unicité.
Cette dernière organise notamment des emplois en services civiques. Sénime, doté d'une formation est l'un deux. A Paris Nord sa mission est d'animer les immigrés mais avant tout "des immigrés à l'intérieur de la bulle" modère-t-il. Il les a "faits jouer. Au football et au basket. A l'intérieur de la bulle il y a des espaces pour ces jeux. Je voulais leur faire jouer de la guitare, pour voir ce qu'ils pouvaient jouer. Mais comme ils ne savaient pas en jouer. Je leur ai donnés des cours de guitare" décrit-il. Toutefois comme, il le déplore "il n'y a pas d'animation pour les personnes à l'extérieur du centre."
Les missions d'Utopia 56 sont d'adoucir la dureté des réalités de l'attente sévère des immigrés devant les grilles fermées du centre.
Leurs bénévoles distribuent des couvertures, de la nourriture et tempèrent les esprits échauffés. L'association Emmaüs gère l'ensemble de la structure d'accueil d'hébergement du centre. En cette période hivernale les immigrés souffrent surtout d'une détresse sanitaire, des maladies respiratoires, évoquent-t-ils, un peu d'alcool, mais aussi des MST, rapporte Sénime.
Les immigrés souffrent du manque de chaleur humaine
Car la vie pour eux est difficile. Tous les immigrés présents devant le centre sont des hommes entre 20 et 30 ans (les prénoms ont été changés). La rencontre se présente d'abord d'un groupe d'afghans dont on apprend qu'ils sont en France le plus anciennement depuis maintenant six mois.
Les mots sont échangés en anglais, l'un d'eux, Subuk, parlant allemand sert d'interprète pour les explications un peu plus longues. Hazan est marié. Il narre son histoire par une frise chronologique qu'il écrit directement sur le cahier. La première date est le 10 juin 2016, "son arrivée en France", sa "première prise d'empreintes digitales", la suivante survient le "17 juin 2016", puis à nouveau le 1 juillet 2016. Tous les quinze jours jusqu'au 13 septembre 2016 où il obtient son "premier récépissé de demande de droit d'asile en France", le deuxième en novembre 2016. Lui et son interprète s'expriment sur une échelle allant de 1 à 5, 1 exprimant qu'ils sont heureux, 5 qu'ils souffrent. Hazan désigne le chiffre 3, son camarade le 1.
Hazan dit "rêver d'avoir une maison, un travail, un peu d'argent et de pouvoir faire venir sa femme en France". Subuk n'a pas encore de rêves.
Arrive un troisième afghan. Il est à dire qu'il ne porte qu'un T-shirt sous une veste en coton, tenu dans un léger pantalon de jogging de même matière. Et il a matière à se plaindre. Cela fait "dix jours que j'attends et dors devant le centre" dénonce-t-il. Il n'a "pas de récépissé de demande de droit d'asile" . Du coup il est constamment rabroué "de la grille du centre où on lui dit qu'il ne peut pas rentrer". Par la police qui ne le "laisse pas dormir. Le déboutant de tous les lieux où [il] se repose". Lui "montre la matraque". Un de ses camarades d'infortunes, soudanais, lui aussi dépourvus de papiers, vit les mêmes déboires de la politique publique.
Par contre il a "été gazé. 4 fois au visage par la police" se plaint-il. Il n'a "pas mangé depuis 3 jours" continue-t-il. Son rêve est "de retourner en Afrique dans un ou deux années pour aider les gens." Un autre soudanais conclue en anglais "les immigrés ont été fabriqués par le capitalisme. Leur situation est la faute du capitalisme."