Business familial, sa clientèle cosmopolite fait fi des religions, de la politique et des orientations sexuelles. Le bouche à oreille et le savoir faire l’ont hissé à la place d’incontournable restaurant parisien.

Vers treize heures, Yomi alpague avec humour les passants devant « L’AS du Fallafel ». Le restaurant se situe dans le Marais, trente-quatre Rue des Rosiers, dans le quatrième arrondissement de Paris. Barbu et moustachu à la peau mate, âgé de quarante-trois ans dans son polo vert au col relevé, Yomi travaille fièrement au restaurant depuis ses dix ans.

Il fait partie de la grande famille à l’origine de l’affaire florissante fondée en 1979. « Notre gastronomie vient directement d’Israël. Ma grand-mère s’occupait des mets du Shabbatt tous les vendredis soirs, pour tout le quartier. Lorsque ma mère a décidé de s’installer en France, elle lui a demandé de lui confier ses recettes. Ce fut une véritable initiation. Grâce au savoir-faire de ma mère, nos produits sont aujourd’hui inimitables et très recherchés. En 1979, nous avons été les précurseurs des fallafels à Paris ! ».

Au total près de quarante employés font tourner l’affaire ! Les fallafels ou plutôt les sandwichs fallafels sont des pitas remplies de boules de pois chiche frites et de légumes.

L’AS du FALLAFEL propose entre autre à son menu le Fallafel Spécial (fallafel végétarien), le Schawarma (viande de dinde et agneau) et des boulettes de viande de bœuf (kefta). Entre deux clients, Yomi raconte avec chaleur le déroulement d’une journée type à l’AS du FALLAFEL : « hiver comme été, le livreur fait les courses de légumes à Rungis et dépose sa cargaison vers six-sept heures du matin. Les dix cuisiniers arrivent dès sept heures pour couper les choux, les carottes et les oignons rouges. Le responsable est sur place à neuf heures. Le boucher nous livre vers dix heures. Le reste de la famille, les dix serveurs et les dix préposés à la vente à emporter prennent place vers onze heures trente. Nous servons les clients de midi à vingt-trois heures ». « C’est un business très familial ! » souligne-t-il.

Sa femme, ses frères et sœurs, beaux-frères, belles-sœurs et même son neveu participent à l’aventure. Le petit Simon, huit ans, une kippa sur la tête, trône sur son haut tabouret. Il s’est installé dehors au soleil pour observer le ballet des passants. De temps en temps il se balade tel le futur propriétaire, dans les trois salles intérieures aux murs verts offrant cent-dix couverts, parcourues de serveurs affairés.

Franck, employé trentenaire au sourire franc ne fait pas partie de la famille propriétaire. « Ici, c’est comme la famille ! Chacun y donne du sien comme si c’était son propre restaurant. »

Mixité sociale

A l’intérieur et devant le restaurant se mêle une foule cosmopolite. De nombreuses personnes se font la bise. « Ça va ma Douce ? » lance chaleureusement un client à un serveur. Dehors, Mohamed, et son ami Rabbin récupèrent tout sourire leur commande. « C’est mon ami Ismaël qui m’a fait découvrir ce restaurant ! » précise Mohamed en tenant le bras de son comparse. Il se délecte de son fallafel : « c’est très bon ! Je reviendrai quand je passerai dans le quartier. » Yomi s’approche et affirme doucement : « Nous avons plus de deux mille clients par jour, et même jusqu’à quatre mille clients les jours fériés ! On nous demande souvent d’où vient notre réussite. 70% de nos clients sont non juifs. Notre clientèle est internationale. Nous avons appris de nombreuses langues : anglais, chinois, coréen, japonais, espagnol, hébreu, arabe. Les arabes aiment venir ici puisque la nourriture casher est préparée selon les mêmes rites que les aliments hallal. Les gays apprécient notre accueil, c’est leur quartier ! La politique n’a pas lieu d’être, il y a une belle mixité sociale ! ». « Je trouve cela magnifique » finit-il par s'exclamer.