Aujourd’hui, les réseaux sociaux sont devenus une plateforme 2.0 pour la chirurgie esthétique. Des pratiques qui poussent la société à se poser des questions, notamment lorsqu’il s’agit de la santé mentale des jeunes. Pourtant, les réseaux sociaux pourraient avoir un effet bénéfique pour ces actes de chirurgie esthétiques, qui permettent notamment de vulgariser car ils deviennent une source d’information. Ces questions de sociétés récentes, qui peuvent être brutales, semblent se réguler ces prochaines années. Pour nous éclairer sur le sujet, le Docteur Frédéric Lange a accepté de répondre à nos questions.

Spécialiste de la rhinoplastie, ce chirurgien plastien intervient notamment dans l’émission “Incroyables Transformations” sur M6 aux côtés de Charla Carter, Léa Djadja et Nicolas Waldorf. Depuis 2019, cette émission vise à décomplexer certaines personnes et les sublimer en obtenant les conseils d’experts du make-up, de la coiffure et de la chirurgie esthétique. Entretien.

Interpelée sur le plateau de Touche pas à mon Poste, Elisabeth Moreno a estimé dangereux de “de faire penser aux jeunes que s’ils ne s’aiment pas tel qu’ils sont, ils peuvent avoir recours à la chirurgie esthétique. Qualifiant la situation de “grave”, la ministre chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances a décidé de placer ce dossier sur sa table et en a fait désormais une priorité.

Elle estime “ces pratiques dangereuses” pour des jeunes adolescents. Quel est votre avis sur le sujet ?

Chez les patients enfants et adolescents, ce qui est le plus souvent pratiqué c’est la chirurgie réparatrice telles que les malformations par exemple. En ce qui concerne la chirurgie esthétique à proprement parlé, il y a un seul cas que l’on traite depuis longtemps : les oreilles décollées.

On le voit beaucoup chez les enfants, sans que cela ne suscite vraiment de polémique. Souvent, ces jeunes subissent des moqueries à l’école puis tout au long de leur vie d’adolescent et c’est une situation que l’on vit depuis toujours. Je pense que la ministre fait référence aux jeunes adolescents qui deviennent complexés par leur corps.

Le premier point à savoir, c’est qu’un jeune est encore en phase de transition, leur personnalité n’est pas encore totalement établie, qu’il s’agisse de leur construction psychologique ou au niveau de leur coprs. Justement, au niveau de la perception de leur physique, il faut rappeler que c’est une phase dans laquelle on reste assez influencable, on doute de soi, de l’estime que l’on a de son image. Autrement dit une période que je qualifierai d’assez ‘fragile’. Dans un certain sens, il est vrai que certains influenceurs ont un rôle à jouer car ils n’éprouvent pas vraiment de difficulté à faire du marketing de chirurgie esthétique comme ils placeraient des balayettes pour les toilettes... Mais je ne pense pas que ce soit leur fond de commerce.

Toutefois, il faut relativiser car ce que l’on constate c’est qu’ils font souvent des placements de produits pour de la médecine esthétique (injection d’acide hyaluronique, traitement des cernes, épilation laser … NDLR).

L’aspect placement de produit avec la chirugie pose en revanche des questions d’éthique. En réalité, ces influenceuses sont très à l’aise avec leur opérations de chirurgie esthétique, c’est d’ailleurs tout à fait dans leur droit de les assumer. Mais sans le vouloir, il y a un effet de banalisation. Si l’on carricature un peu, c’est comme si on dit “le matin je vais faire mes courses, l’après-midi au zoo avant de passer chez le chirurgien” … Dans ce cas, on est dans de la banalisation à outrance.

Les influenceuses comme les influenceurs sont aujourd’hui pointé.e.s du doigt pour des pratiques qui existent depuis la nuit des temps, pourquoi ?

On remarque une différence par exemple si l’on se rappelle de l’époque d’Angelina Jolie ou de Jennifer Lopez, on voulait leur ressembler mais elles ne mettaient pas en avant dans leur quotidien, la chirurgie esthétique comme une activité lambda. Après, les influenceurs ne sont pas eux-même responsables du fait qu’on souhaite les imiter.

C’est un problème sociétal, c’est une question qu’il faut poser à leurs parents. Si moi demain, je vais dans la rue déguiser en schtroumpf, est-ce-que tout le monde va me copier ?

Faut-il en parler ou non sur les réseaux sociaux ? Au moins pour faire de la pédagogie sur la chirurgie esthétique …

Du point du vue du médecin, il faut veiller à ne pas en faire de publicité en montrant des “avant/après” de leurs opérations par exemple. Nous sommes encadrés par le Conseil national de l'Ordre des médecins et le code de déontologie. On ne peut pas pratiquer la médecine comme un commerce et il est interdit de passer par un recours publicitaire direct ou indirect. En revanche, on a le droit de communiquer pour expliquer, vulgariser, de présenter notre travail.

Le problème qui se pose c’est que la frontière entre les deux est assez floue. Certains médecins ne se privent pas de montrer leurs résultats et d’une manière détournée, d’en faire la promotion. En théorie, cela est interdit. Mais en pratique, le Conseil de l’Ordre a surtout un rôle d’arbitrage entre les médecins, et aujourd’hui quasiment tous les chirurgiens esthétiques le font donc disons que c’est un peu passé dans les moeurs.

Par ailleurs, l’aspect juridique est en train d’évoluer parce qu’il semblerait qu’il y ait une harmonisation en cours avec les lois européennes qui autorisent les médecins à faire de la publicité. Dans les grandes lignes, il faut rappeler que c’est très positif de faire de la pédagogie sur les réseaux sociaux pour bien prévenir les patients des tenants et des aboutissants d’une opération de chirurgie esthétique.

On peut trouver ce que l’on recherche sur Internet. L’avis d’un médecin reste une information d’utilité publique. Si l’on est dans un rôle d’information et prévention, je trouve cela très positif.

Les chirurgiens esthétiques doivent-ils montrer ou non les résultats de leurs opérations ?

Pour un métier aussi visuel que la chirurgie esthétique c’est important de montrer ces résultats. Les patient.e.s ont le droit de choisir leur médecin en fonction de leurs pratiques. Si l’on veut refaire son visage, tous les chirurgiens ne vont pas travailler de la manière. Chacun a son style et je pense donc important de montrer ses résultats. Le problème qui s’ajoute, c’est que certains chirurgiens ne vont montrer que leurs “bons résultats” et pas forcément l’intégralité de leur travail.

A mon sens, c’est à la fois indispensable, mais comme partout : il faut prendre du recul. De toutes façons, les résultats “avant/après” sont bien souvent déjà présentés sur les sites internet des chirurgiens donc pourquoi ne pas les diffuser sur les réseaux sociaux ?

Aujourd’hui, il faut évoluer avec son temps et les réseaux sociaux nous font avancer vers de nouvelles méthodes.

Les magazines, la presse people en général, diabolise-t-elle la chirurgie pour vendre plus de titres ?

Absolument. Dans les médias comme les magazines, la presse écrite people ou non, j’ai toujours cette impression de percevoir la chirurgie esthétique diabolisée. On constate des titres très vendeurs qui pose des questions au niveau du travail des journalistes. Sur les réseaux sociaux, on peut avoir une communication plus libre, plus ouverte et surtout qui ouvre le dialogue, ce qui n’est pas le cas sur des sites souvent “à charge” contre les pratiques de chirurgie esthétique.

Le Royaume-Uni va interdire les publicités sur les réseaux sociaux et à l’écran susceptibles de pousser les adolescents à passer sous le bistouri.

Quelle est votre opinion à ce sujet ? D’un point de vue général, doit-on tenter de réguler la publicité à ce niveau chez nous en France ?

Cela est intéressant, cette volonté ne part pas d’une mauvaise idée mais l’interdiction ne vise pas d’autres publicités qui impactent aussi la santé mentale des jeunes comme les produits cosmétiques, de bronzage, etc. C’est certain que la demande de la part des jeunes a augmenté ces dernières années. Toutefois, je remarque que l’information, elle aussi, a beaucoup évolué pour la jeunesse. On peut même affirmer qu’ils sont mieux informés, ils prennent plus de recul par rapport à toutes ces pratiques. D’autres parts, ils peuvent prendre davantage de temps et de réflexion avant de prendre leurs décisions pour faire des choix consentis et réfléchis.

Rappelons qu’en France, il est interdit interdit d’opérer des adolescents avant 18 ans sans le consentement de leurs parents et cela ne concerne généralement que la chirurgie réparatrice.