Si Albert Dupontel avait, lors de la sortie de son dernier film, annoncé un film très graphique ayant pour protagoniste une gueule cassée, de nombreux fins cinéphiles se seraient retrouvés soit perplexes soit hilares. Alors auteur de "9 mois fermes", comédie portant sur la grossesse d'une femme dont le mari s'apprête à être jugé, le genre semblait lui correspondre à la perfection. Mais c'était certainement oublier l'abnégation dont un cinéaste peut faire preuve, surtout lorsqu'il trouve sa motivation et son inspiration dans les pages d'un prix Goncourt.
Ainsi naquit Au revoir là-haut, qui raconte comment Edouard Péricourt sauva son compatriote Albert Maillard (interprété par Albert Dupontel, justement) de la mort en le tirant du trou où il faillit mourir enterré vivant avec une tête de cheval. Maillard se retrouva dans cette situation après avoir compris que le lieutenant Henri d'Aulnay-Pradelle, aimant beaucoup trop la guerre, avait assassiné deux soldats français dans le but de galvaniser ses troupes et de les pousser à retourner au combat, alors que la guerre avait déjà connu sa conclusion. Péricourt, en sauvant Maillard, reçoit un éclat d'obus en plein visage, le défigurant à vie. Rentrant à Paris, ils se heurtent à la société dans laquelle ils peinent à se faire une place.
Péricourt, fils de la haute bourgeoisie, dessinateur fantasque, homosexuel, rejeté par son père (raison pour laquelle il va se faire passer pour mort), et Maillard, modeste comptable, devenu paranoïaque suite au traumatisme, vont alors monter une escroquerie pour prendre leur revanche sur cette réalité sociale qui leur paraît cruelle et injuste, à eux qui ont mis leur vie en danger pour leur patrie.
En parallèle, Pradelle signe un contrat avec l'Etat pour se faire de l'argent sur le dos du corps des morts enterrés sur le champ de bataille en les réinhumant.
Lumière, beauté et humour
Dupontel signe ici un film kaléidoscopique aux multiples dimensions. Le film marque tout d'abord par sa beauté. Du style de réalisation aux masques artistiques de Péricourt, le film se définit par son côté "très joli", selon l'expression de l'un des personnages.
L'emploi très propre de la lumière, mettant en exergue le côté anti-manichéen du film, renforce cette impression. Et donne le sentiment d'avoir vu un film qui mérite son appartenance au "septième art". De plus, le film possède une palette humoristique assez variée, et plutôt surprenante. Celle-ci contraste avec la morosité que dégagent les personnages et le Paris d'après-guerre, ainsi qu'avec l'émotion que crée les situations (notamment l'apothéose du final). Les acteurs ne sont pas en reste, en particulier Niels Arestrup, parfait en père sévère au grand coeur.
Vous l'avez compris, le film ne comporte que des qualités ou presque. Et pourrait briguer quelques récompenses aux prochains Césars ... voire aux Oscars ? Alors, si vous ne l'avez pas vu, au revoir ... là-bas !