S’il est aujourd’hui partiellement connu pour son travail de réalisateur, Harmony Korine possède en réalité un passé artistique beaucoup plus prolifique. Né le 4 janvier 1973, il se révèle en 1995 lorsqu’il signe le scénario de Kids, long-métrage de Larry Clark. Les deux cinéastes possèdent des visions du monde semblables, s’inscrivant dans l’histoire de la contre-culture. En marge des industries culturelles, Korine développe ainsi une vision acerbe de la société américaine, reflétée par certains de ses films tels que Mister Lonely (2007), Trash Humpers (2009), ou encore Spring Breakers (2012).

Ceux-ci se focalisent sur la jeunesse et les individus inadaptés, alters ego partiels du réalisateur.

L’homme et l’image

La filmographie de Korine combine de nombreux styles différents de narration et de textures d’images, mélangeant vidéo, numérique, courts-métrages et spots publicitaires. Il tire l’une de ses principales inspirations de l’univers de la planche à roulette, utilisé ici comme un instrument de vision. L’image produite par Korine se définit par sa vitesse, sa répétitivité, et ses saccades, tout autant d’éléments représentant la vue d’un utilisateur de planche à roulette.

Au cœur de l’œuvre de Korine se trouve un concept essentiel : l’expérience. Il multiplie les formes d’expressions imagées telles que le collage d’écriture, le dessin, la photographie, le découpage et la photocopie.

Il ressort de ses expérimentations picturales un goût prononcé pour la formule et l’expression populaire, d’où il tire une pratique particulière : l’art de faire des fautes. Il entretient une dichotomie entre cet amour pour la langue et ses volontaires fautes d’orthographe et contresens, définissant son style par une beauté anarchique opposant harmonieusement culture d’élite et culture de masse.

Le spectateur plonge ainsi avec l’artiste dans une expérience de montage au-delà du réel.

Mouvances mystiques

L’imagerie englobée par l’œuvre de l’artiste Korine revendique un certain penchant pour le mysticisme et le surnaturel. Les œuvres exposées entraînent le spectateur dans l’intimité de l’artiste, où les fantômes déambulent librement.

La planche à roulette peuple cette réalité alternative de silhouettes anthropomorphiques, de fantômes unijambistes et de rebelles « sans tête ».

De la même manière, l’œuvre de Korine revendique une grande inspiration dans l’art autodidacte afro-américain. Cet art de « l’âme » qui évoque force instinctive et puissance sacrée, rejaillit assez visiblement sur ses peintures, où se croisent fantômes, figures ailées, et animaux fantastiques, paradisiaques et infernaux.

Pratiquant dans un même temps la peinture, la photographie et l’écriture au gré d’erreurs et de jeux, vers une « esthétique unifiée » proche du romantisme. Son travail multidisciplinaire porte ainsi un regard différent sur le concept d’image en mouvement. Alors qu’il s’enfonce de plus en plus dans l’imaginaire torturé de l’artiste, le spectateur se laisse hanter par images et fantômes.