Juillet 2016, Nice. Décembre, Berlin. Mars 2017, Londres. Et ce jour Stockholm. Mais il y eut aussi Jérusalem (janvier dernier), et peut-être d'autres tentatives avortées ou reportées, selon le même mode opératoire : utiliser, louer ou s'emparer d'un véhicule-bélier et foncer dans la foule. Cette fois, à Stockholm, l'opération a été davantage concertée car le djihadiste s'étant emparé d'un camion dont le chauffeur effectuait une livraison de fûts de bière était accompagné, sans doute de deux djihadistes qui ont déchargé des armes automatiques sur les survivants avant d'employer des armes blanches.

Cinq morts, nombreux blessés

Les victimes, renversées, écrasées, atteintes par des balles ou blessées par des lames, sont encore une fois très nombreuses et le bilan provisoire s'élève à cinq morts. On ne sait pourquoi, puisque l'Attentat ne pouvait se clore que par la mort ou la capture des djihadistes (ce soir, deux capturés, un troisième en fuite mais sans doute bientôt cerné dans la gare centrale de Stockholm), ces derniers portaient des cagoules. Le camion a fini sa course dans un magasin et les services de sécurité ont estimé qu'il aurait pu être piégé et exploser. C'est bien cette fois, comme à Paris (Bataclan et Stade de France), une cellule djihadiste qui est passée à l'action. Attentats-suicides ou au véhicule-bélier vont peut-être devenir plus nombreux à mesure que Mossoul, en Irak, sera reprise, et que l'encerclement de Raqqa, en Syrie, se resserrera avant les assauts dont l'issue sera identique.

Comme à Nice ou Jérusalem ou Berlin, la cible a été un lieu de passage à fréquentation maximale. Et non, comme à Constantine, un acte de représailles contre police ou forces armées. Comme partout, des musulmans sont comptés parmi les victimes. Ce qui diffère, c'est que la Suède, même si elle se coordonne avec l'Otan, est très peu engagée au Moyen-Orient.

Ce qui réunit Suède et Allemagne (et d'autres pays scandinaves ou les Pays-Bas, mais en moindre mesure) c'est que ces deux pays ont été de fortes destinations pour des réfugiés syriens ou irakiens, mais qu'ils ont été débordés et ont dû prendre des contre-mesures. La Suède veut ainsi expulser jusqu'à 80 000 demandeurs d'asile dont les demandes ont été ou seront refusées.

Cela étant, même si les pays européens ou d'Amérique du Nord sont sensiblement moins frappés que d'autres, africains ou asiatiques, ces considérations ne guident pas les raisonnements des djihadistes. La Suède a contesté la légitimité des frappes aériennes étasuniennes en Syrie, et que les djihadistes l'aient appris ou non n'a sans doute joué aucun rôle. Ils suivent aveuglément d'absurdes consignes, croient peut-être racheter les péchés de 70 de leurs proches et les retrouver en un improbable paradis fantasmé. Ou il peut s'agir d'une haine de tout ce qui caractérise le mode de vie occidental, quel que soit le degré d'adhésion ou de tolérance des victimes musulmanes se trouvant parmi les autres victimes.

Certes, la recherche de complicités étend le cercle des djihadistes emprisonnés, mais l'effet de boule de neige recherché reste faible. La plupart des proches des djihadistes condamnent sévèrement leurs actes. L'effet provocation-répression, qui fonctionne dans un pays occupé ou auprès d'une population désirant davantage d'autonomie, ou subissant une répression en raison d'appartenances religieuses ou ethniques, reste quasiment inopérant. De plus, les liaisons entre ces individus ou cellules et le califat sont de plus en plus difficiles. Dérangés ou illuminés radicalisés n'y gagnent qu'une notoriété très passagère. Qui se souviendra vraiment d'un Mohamed Merah dans cinq ans, si ce ne sont les victimes, sa parentèle ou un cercle devenu restreint de croyants au prochain califat ?

Période dure, non forcément durable, sanglante, mais à présent beaucoup plus sanglante pour les djihadistes du califat de Daesh, assiégés, éliminés… Piètre "consolation" (qui ne console aucunement n'y ne compense) cependant.